Certains patients ressuscités après un accident mortel avec arrêt cardiaque (infarctus du myocarde, noyade, choc, etc.) rapportent avoir ressenti un état particulier comportant des éléments spécifiques plus ou moins profonds : une expérience de « sortie » du corps avec flottement au-dessus de la situation, où ils voient leur corps et l'équipe soignante ; une impression de bonheur ; la sensation d'être entraînés dans un tunnel au bout duquel ils voient une lumière et la présence d'autres personnes décédées ; des images de toute leur vie qui défilent rapidement à l'envers.
Les relations entre conscience et fonctionnement cérébral
Les mots utilisés pour décrire ces expériences sont généralement en rapport avec le bagage culturel et religieux des personnes. Certaines affirment que leur vie a été par la suite profondément modifiée, avec une capacité de hiérarchisation plus réaliste des problèmes et une diminution de la crainte de la mort.
Des études sont régulièrement réalisées pour tenter de comprendre la nature de ces phénomènes.
Les conclusions de Pim van Lommel et coll. (Pays-Bas) concordent avec celles d'autres auteurs : il faudrait, selon eux, réviser les conceptions que l'on a des relations entre la conscience et le fonctionnement cérébral. « Comment une conscience pourrait-elle clairement fonctionner à l'extérieur du corps, dès lors que les activités cérébrales sont abolies, comme cela se produit pendant une période de mort clinique avec EEG plat ? », s'interrogent-ils.
L'étude de van Lommel et coll. a été menée de manière prospective chez 344 patients porteurs de cardiopathies et qui ont été ressuscités après un arrêt cardiaque ; 62 d'entre eux (18 %) rapportent une NDE, dont 41 qui décrivent une expérience profonde. Ni la durée de l'arrêt cardiaque ou de la perte de conscience, ni les traitements (opiacés, benzodiazépines), ni la peur de la mort avant l'expérience ne permettent de rendre compte de la survenue de la NDE. Mais la fréquence des NDE est affectée par plusieurs phénomènes : la manière dont les NDE sont définies par les observateurs, l'âge, un précédent d'infarctus du myocarde auquel le patient a survécu, plus d'une manuvre de réanimation, des antécédents de NDE et des problèmes de mémoire après un arrêt cardio-respiratoire prolongé (une bonne mémoire à court terme est nécessaire). Plus les personnes sont jeunes, plus les NDE sont fréquentes. On constate qu'un nombre significatif de patients sont décédés dans les trente jours qui ont suivi la réanimation (p < 0,0001). Quant au processus de transformation de la personnalité, il a pris plusieurs années.
Des processus neurophysiologiques sont certainement en jeu, tout au moins pour une part.
Des expériences du même ordre
Des expériences du même ordre sont obtenues par des stimulations électriques du lobe temporal et de l'hippocampe effectuées pendant une intervention de neurochirurgie pour épilepsie, lors des hypoxies brutales du SNC qui se produisent pendant certains entraînements de pilotage et même pendant une hyperventilation suivie d'une hypercapnie (manuvre de Valsalva). L'implication des récepteurs NMDA, des enképhalines, des endorphines fait partie des hypothèses neurophysiologiques. Une autre théorie plaide en faveur d'une modification de l'état de conscience (transcendance) dans lequel l'identité, la cognition et les émotions fonctionnent indépendamment du corps inconscient. Ce qui fait retenir la possibilité de perceptions non sensorielles.
Les auteurs notent que leurs résultats ne leur donnent pas la possibilité de trancher en faveur d'une explication. « La vérité est que personne ne sait quand exactement surviennent les NDE par rapport aux événements biologiques. » Et qu'on ne peut complètement exclure les phénomènes de fausse conscience : le travail rapporte que 37 patients du groupe contrôle qui n'avait pas eu de NDE, contactés deux ans après, ont rapporté en avoir eu une.
« En l'absence de preuves sur une théorie expliquant les NDE, le concept admis, mais non prouvé, selon lequel la conscience et la mémoire sont localisées dans le cerveau mériterait d'être rediscuté », estiment van Lommel et coll. Une notion trouvée depuis longtemps dans les conceptions de la médecine traditionnelle chinoise.
« Lancet », vol. 358, 15 décembre 2001, pp. 2039-2045 et commentaire pp. 2010-2011.
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