Si l'approche de la douleur du patient s'est aujourd'hui grandement améliorée, le nombre de malades reconnaissant n'être pas correctement soulagés de leur souffrance demeure encore important. Optimiser leur prise en charge passe nécessairement par une écoute attentive du patient, seul capable d'aiguiller le praticien dans la recherche de la solution thérapeutique la plus appropriée.
LANCE EN 1998, le plan Kouchner a, depuis, grandement favorisé une prise de conscience plus importante de la douleur lors de la consultation médicale. En 1993, une étude épidémiologique menée par les Drs Louis Brasseur et François Larue relevait notamment que, parmi les patients douloureux, seule la moitié était effectivement traitée et qu'environ deux tiers n'étaient pas correctement soulagés. Renouvelée en 2003, l'étude a fourni des résultats en amélioration, mais qui demeurent «nettement insuffisants» selon le Dr Philippe Poulain. «Il y a encore des lois qui ne sont pas appliquées, comme celle relative à l'obligation d'avoir une structure dédiée à la douleur dans chaque hôpital, ce qui est loin d'être le cas à l'heure actuelle.» Si elles existent, ces structures demeurent très fragiles, car la douleur ne relève pas d'une spécialisation des praticiens dans ce genre de service. «En tant qu'anesthésiste-réanimateur, j'ai personnellement eu la chance d'obtenir mon autonomie dans mon centre antidouleur, mais certains de mes collègues ne l'ont pas. » Si certains médecins continuent encore de penser à la place des malades et tendent à minimiser leur souffrance, les évaluations systématiques de la douleur se sont aujourd'hui développées et simplifiées dans nombre de structures. « Il faudrait toutefois qu'elles soient généralisées, comme la prise de la température ou de la tension. » Optimiser la prise en charge de la douleur passe nécessairement par une confiance accrue accordée au patient. « Le devoir du médecin, c'est de recevoir le patient pour l'écouter expliquer sa propre douleur. Il convient seulement par la suite de cerner l'origine de la douleur, en examinant convenablement le malade pour aboutir à un diagnostic. On peut alors vraiment trouver un traitement pour soigner au mieux son mal. Si le besoin d'examens complémentaires se fait sentir, il n'y a pas non plus à attendre les résultats. Il faut traiter directement les symptômes car la douleur a joué son rôle d'alerte et ne sert à rien de plus ».
Dans le cas de douleurs d'origine psychologique, il convient, selon le Dr Poulain, de la prendre en charge de la même façon qu'un mal purement physique. En fonction des situations, les traitements médicamenteux ne s'imposent pas forcément. Le recours à un psychologue peut en outre aider à mieux cerner les origines d'une douleur. « La douleur peut relever de troubles psychiques quand elle s'inscrit dans un contexte familial ou socio-économique. Parfois, il y a des douleurs qui peuvent être utiles à certains malades. Ce sont par exemple des personnes qui attendent une réparation pour un mal de dos contracté dans le cadre d'un accident du travail. Tant que la situation n'est pas réglée, le mal de dos demeure pour signifier leur grande souffrance morale ».
Proposer un soutien psychologique peut ainsi se révéler décisif dans le succès d'une prise en charge de la douleur. « Il est essentiel de favoriser une approche globale dans les cas de douleur psychologique. Souvent, ce type de patient souffre d'un état dépressif. Même si on prescrit de la morphine dans le cadre d'une douleur de ce type, elle demeure inefficace car elle ne peut agir sur la vie de la personne. Il faut alors prendre le temps d'expliquer au malade pourquoi on choisit de lui donner un antidépresseur pour soulager ses maux. Lui faire comprendre le mécanisme de sa douleur est ainsi quelque chose de très important et cela contribue à instaurer un rapport de confiance. »
Favoriser une compréhension optimale entre médecin et patient passe nécessairement par la considération de ce dernier en tant qu'individu responsable et qui va livrer sa vérité. « Même si les symptômes demeurent souvent à préciser par un examen complémentaire, la douleur existe toutefois et il faut donc prendre soin de bien écouter le patient et le considérer comme une personne qui souffre et pas simplement comme quelqu'un qui a quelque chose dans la tête qu'il transforme en douleur. »
D'après un entretien avec le Dr Philippe Poulain, responsable du département interdisciplinaire de soins de support aux patients en oncohématologie-analgésie, au centre de traitement de la douleur et de soins palliatifs de l'IGR, Villejuif.
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