Christian Lehman, généraliste et auteur
« En France, la médecine sert de variable d’ajustement aux diverses factions politiques et aux groupes d’intérêts et je me demande si, dernièrement, nous avons réellement connu un ministère de la Santé. La politique de santé ne se décide pas au ministère. La dernière preuve en date est cette décision médicalement incohérente du retrait de l’hypertension artérielle du tableau des ALD qui fait qu’on ne prend les patients en charge qu’au stade des complications. Les collectivités territoriales doivent-elles assumer plus de compétences en santé ? Difficile à dire. La régionalisation de la santé a été le prétexte à la création d’un aréopage de technocrates au sein des ARS. Mais vu les comptes publics, il n’y a pas assez d’argent pour tout le monde. D’un autre côté, les municipalités sont en faillite. Alors, à quoi sert l’octroi de la maîtrise de la santé à des acteurs locaux sans transfert de moyens financiers ? Nous aurons bien des maisons de santé et des expérimentations pendant quelque temps jusqu’à épuisement des crédits, puis elles seront sauvées in extremis par des privatisations, morceau par morceau. »
Christian Le Dorze, fondateur du groupe Vitalia
« Pourrait-on se passer totalement d’un ministère de la Santé ? Certes non. Mais il est trop présent sur certains sujets. La loi HPST n’est pas allée assez loin : au lieu d’une décentralisation, nous avons une déconcentration fortement dépendante des élus locaux. Je suis partisan d’une organisation des soins au niveau régional car cet échelon combine la proximité des soins et le recours à des soins hyperspécialisés. L’État doit garder un rôle de définition de la politique publique déclinée par les ARS en régions de façon plus autonome. Je ne suis pas favorable à l’implication des élus locaux car mon expérience de trente ans me montre qu’ils introduisent toujours dans les débats des dimensions autres que les soins : certains y voient une variable d’ajustement du chômage local tandis que d’autres lient l’offre de soins aux questions d’aménagement du territoire. Je suis également favorable à une plus grande autonomie des CHU dans le cadre d’un cahier des charges national. »
Guy Le Gal, vice-président du CISS Rhône-Alpes
« Même en imaginant une autre configuration de notre système de santé, le ministère de la Santé devrait perdurer pour élaborer les plans de santé publique, faire respecter l’équité et une plus juste répartition des moyens entre les Régions. La loi HPST ne consacre pas le rôle des Régions, elle crée des ARS qui se révèlent malheureusement largement insuffisantes car la séparation entre le secteur médical et médico-social perdure du fait des responsabilités du conseil général en matière de prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées. La fusion entre les trois champs n’est pas réalisée. Cette loi n’a pas davantage fait progresser la démocratie sanitaire en dépit de la multiplication des instances qui y sont consacrées. En fait, il faudrait prendre exemple sur la révision des lois de bioéthique qui découle de la mise en place de forums citoyens. Dans une régionalisation plus poussée de la santé, la mise en œuvre et l’exécution de plans de santé publique définis nationalement pourraient faire l’objet de tels forums citoyens sur le modèle des conseils de quartier par exemple. Nous pourrions ainsi appliquer un réel principe de subsidiarité. »
Daniel Benamouzig, Terra Nova
« À la veille de l’acte III de la décentralisation, une réforme du système de santé ne pourrait faire l’économie d’un ministère de la Santé. La régionalisation de la santé vise la recomposition entre la ville, l’hôpital et le secteur médico-social qui sont traditionnellement séparés car relevant de tutelles nationales différentes. Or, il faut introduire plus de transversalité. Nous proposons de créer des chambres régionales de santé qui offriraient un espace de délibération démocratique. Un des enjeux serait d’articuler les trois niveaux historiques de la démocratie : les instances représentatives que sont les collectivités territoriales, les institutions issues du modèle paritaire et enfin, la participation des associations en pleine croissance depuis les années quatre-vingt. Des élus pourraient donc y siéger de droit et ces chambres constitueraient un contre-pouvoir régional intéressant face aux ARS, car incarnant réellement la démocratie sanitaire à l’échelon régional. »
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