La réponse des autorités sanitaires au Sras
Il est confirmé que le brassage des populations, dû notamment aux transports aériens, joue un rôle très important dans la rapidité de l'extension des épidémies et de la multiplication des cas. Quelques semaines de retard dans la gestion suffisent à passer de quelques dizaines de cas à quelques centaines de milliers de cas. D'où la nécessité d'une intervention urgente des autorités sanitaires au niveau mondial.
Rappelons la chronologie des faits : selon les autorités épidémiologiques mondiales, le premier cas de contamination connu aurait été répertorié en Chine en novembre 2002, puis l'épidémie s'est développée en Asie du Sud-Est. Le premier cas reconnu officiellement à l'origine de l'épidémie a été signalé à Hongkong : une seule personne a été à l'origine de 1 500 cas.
Le Sras a été ensuite transporté au Vietnam, à Singapour, en Amérique du Nord, au Canada par des voyageurs infectés. Le virus du Sras a été identifié dans 32 pays répartis sur les cinq continents.
L'épidémie de Sras a été gérée au début comme une épidémie de grippe et il a été ainsi possible de démontrer que, face à un problème épidémiologique grave, la mobilisation générale permet de maîtriser le problème puisque dans tous les pays, sauf en Chine (8 000 cas), nous avons pu éviter une contamination massive. Nous avons réagi avant le point d'infection majeur.
Nous redoutions en effet une épidémie de grippe avec un virus mutant à cause des quelques cas de grippe aviaire notifiés à Hongkong les jours précédents. Nous ignorions la nature du virus, son mode de contamination et s'il était contagieux lors de la période d'incubation, ce qui n'aurait pas permis l'identification de tous les sujets contacts et leur isolement. Nous étions dans une situation de forte incertitude. Heureusement, ces incertitudes ont été levées progressivement : le virus était moins contagieux que celui de la grippe et surtout non contagieux lors de la période d'incubation, mais transmissible par des sujets infectés et symptomatiques à la phase aiguë de l'infection. Il entraîne une mortalité, d'environ 10 %, notamment chez les sujets fragilisés.
L'OMS a centralisé et diffusé les informations et élaboré les protocoles et les recommandations avec le CDC (Center for Deseases Control). Elle a mis en place un réseau mondial de laboratoires de bactériologie afin d'identifier le virus et son origine. Très rapidement, ils ont montré qu'il s'agissait d'un coronavirus (d'autres coronavirus sont la deuxième cause des rhumes après les rhinovirus : il a été craint un temps que celui-ci se propage aussi facilement que le rhume). Les laboratoires ont travaillé aussi activement à mettre au point des méthodes d'identification du virus.
La mise en commun des compétences et la diffusion immédiate de ces informations ont permis de prendre rapidement des mesures de contrôle telles que le repérage précoce des cas, leur signalement, l'isolement et la prise en charge dans un milieu sécurisé, ainsi que la mise en quarantaine des contacts. En France, ces mesures ont permis de limiter la contamination à cinq cas probables : un médecin atteint du Sras venant de l'hôpital français de Hanoi ayant contaminé 3 personnes dans l'avion du retour et une autre personne contaminée aussi à Hanoi.
Dans tous les pays atteints par le Sras, le personnel soignant a représenté environ 25 % des malades. Pour la France, l'hôpital français de Hanoi était une source de contamination importante, avec environ 40 soignants revenus en France après avoir été en contact avec des personnes infectées. Nous avons utilisé les médecins des Grog (groupes régionaux d'observation de la grippe) et les Samu pour examiner et transporter éventuellement les cas suspects directement dans un centre hospitalier spécialisé. Des isolements d'une dizaine de jours ont eu lieu afin d'exclure tout risque de contamination. Ces mesures prises d'emblée nous ont protégés de l'épidémie. Le Canada, qui a tardé à les prendre, à été confronté à plusieurs centaines de cas et plusieurs décès, sans compter l'impact économique important sur la région de Toronto, qui était au cœur de l'épidémie.
Nous avons aussi été les premiers en France à recommander d'éviter les voyages en avion dans les zones déclarées infectées.
Cette épidémie a duré environ quatre mois et a été limitée grâce à une collaboration très active entre les autorités sanitaires des pays concernés et une coordination très efficace de l'OMS. C'est la première fois, à ma connaissance, qu'une telle organisation fut mise en place sur le plan mondial face à une menace qui pouvait toucher la planète. Heureusement, nous avons petit à petit pu confirmer que l'infection n'était toutefois pas aussi contagieuse que la grippe. Si elle l'avait été, il aurait peut-être fallu suspendre totalement les voyages aériens dans les zones en question, avec des conséquences sociales et économiques catastrophiques.
Même si la pandémie de Sras semble contrôlée au niveau international , de nombreuses inconnues subsistent sur ce coronavirus qui pourrait très bien resurgir tant que le réservoir existe. La vigilance reste de mise, d'autant que quelques cas sporadiques nous tiennent en alerte.
D'après un entretien avec le Pr. Lucien Abenhaïm (professeur d'épidémiologie au CHU Cochin - Port-Royal).
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