Les partenaires conventionnels sont-ils en train de se mettre à l’ouvrage pour rien ? C’est la question que l’on peut se poser après les dernières déclarations de la ministre de la Santé, qui exclut de moins en moins une prorogation de la convention. Pour autant, le week end dernier, à Cannes, Roselyne Bachelot, invitée de l’Université d’Été de la CSMF, a soigneusement choisi ses mots afin de ne pas souffler sur les braises. « Je ne doute pas que, comme par le passé, vous saurez, avec les autres syndicats représentatifs, le moment venu, trouver un terrain d’entente pour que la convention médicale vienne renforcer la politique du gouvernement et améliorer l’accès aux soins de nos concitoyens, » a-t-elle lancé aux quelque trois cents cadres de la « Conf’ ». Dans cette phrase, chaque mot est pesé, mais c’est le complément de temps qui compte.
Sur le papier, tout est prêt en effet pour entamer des négociations en vue d’une nouvelle convention, pourparlers qui sont censés aboutir avant le 10 janvier. La CSMF et l’Assurance-maladie sont dans les starting-blocks. Frédéric van Roekeghem, qui vient d’être officieusement confirmé dans ses fonctions de directeur général de l’URCAM et très officiellement muni d’un mandat de négociation de son Conseil, l’a précisé à Cannes. « Nous allons commencer les négociations avant la fin du mois de septembre, a-t-il indiqué à la presse en marge de l’événement. Il est vrai que le contexte est un peu complexe au regard des élections professionnelles. Je suis donc prudent sur le calendrier ». Quant à savoir qui seront ses interlocuteurs syndicaux, il botte en touche : « je ne suis pas en charge des questions de représentativité, tant que les nouvelles règles ne sont pas en place, les anciennes s’appliquent ».
Barbier, le franc-tireur du Jura
Côté pile, les conditions sont en théorie réunies pour une nouvelle convention début 2010. En apparence - après des mois d’affrontements sans concession sur la réforme Bachelot- la hache de guerre est enterrée entre la CSMF et la ministre de la Santé. Les contacts ont été renoués dès le mois juillet, grippe A oblige. Puis la CSMF a été reçue, fin août, à l’Élysée. Enfin, juste avant Cannes, Michel Chassang est venu avec son équipe, avenue de Ségur, présenter ses propositions pour la prochaine convention. Il reste que l’initiative de la CSMF et du SML, de s’opposer à la reconduction tacite de cette dernière avait fortement irrité la ministre, qui a visiblement pris sur elle pour ne pas laisser éclater sa colère. D’où l’idée persistante de proroger la convention actuelle afin que les choses se déroulent bien selon le calendrier initialement prévu : mise en place des agences régionales de santé (ARS) avant le 1er juillet 2010, organisation des élections aux unions régionales de professionnels de santé (URPS) au courant du second semestre 2010, enquête de représentativité dans la foulée, puis véritable ouverture de négociations en vue d’une nouvelle convention avec probablement quelques nouvelles têtes autour de la table.
Côté face, la prorogation est très sérieusement envisagée. Dans le faisceau d’indices qui le laissent à penser, intervient la proposition de loi du sénateur UMP du Jura, Gilbert Barbier. Déposée le 3 septembre dernier et restée inaperçue depuis, elle vise à proroger la convention médicale actuelle jusqu’au 31 décembre 2010 au motif de « donner tout son sens à la négociation nécessaire à une vie conventionnelle rénovée » et parce qu’il « convient de permettre aux syndicats représentatifs de s’organiser pour mettre en place cette réforme ». S’agit-il d’un simple « télégraphiste » du gouvernement comme l’analyse un syndicaliste gagnant potentiel dans l’hypothèse de la prorogation ? L’entourage de la ministre assure ne pas être derrière l’initiative du sénateur. À vrai dire, Roselyne Bachelot ne semble pas encore avoir tranché la question. Dimanche dernier, interrogée par la presse à Cannes, elle a répondu qu’il y a « deux solutions, soit une prorogation de la convention actuelle, soit évidemment un arbitrage, les deux ont leurs avantages et leurs inconvénients ». En revanche, l’hypothèse que les négociations puissent aboutir dans les temps ne semble même plus l’effleurer. Deux jours auparavant, au colloque de l’Union des chirurgiens de France, elle a également semé un petit caillou : « je suis trop attachée à la vie conventionnelle pour continuer à voir des avenants annulés par le Conseil d’État pour cause d’accords minoritaires ». Le parterre de chirurgiens qui n’en demandait pas tant a bu du petit-lait.
Le dilemme de Roselyne Bachelot
Il reste que proroger purement et simplement la convention ne va pas de soi. Le Conseil constitutionnel pourrait y trouver à redire. En s’opposant à la reconduction, la CSMF a utilisé l’outil qui était à sa disposition. Sa manœuvre n’était d’ailleurs pas que tactique : le syndicat de Michel Chassang veut rompre avec deux ans d’immobilisme conventionnel alors que, pendant les trois premières années, les avenants se sont enchaînés permettant quelques revalorisations, en particulier pour la médecine générale. En prorogeant autoritairement la convention, le gouvernement rendrait la monnaie de sa pièce à la CSMF, en lui infligeant un camouflet. Or, le président de la République avait demandé à sa ministre de la Santé de réunir autour de la table conventionnelle le maximum de représentants de la profession. Roselyne Bachelot se trouve devant un véritable dilemne. Elle ne peut pas mettre la CSMF sur la touche, en raison de son apport historique à l’édifice conventionnel. Mais elle doit donner des gages de bonne volontéles aux syndicats qui frappent à la porte (FMF-G, Espace Généraliste, Union collégiale des chirurgiens, médecins et spécialistes). D’où ces petites phrases sibyllines. Malgré le flou entretenu, le feuilleton pourrait pourtant trouver un épilogue très simple. Le ministère peut faire le pari que, dans la configuration actuelle, les négociations ont très peu de chances d’aboutir dans les temps et que donc un « règlement arbitral » sera mis en place, conformément à la loi d’août 2004. Un accord sur le secteur optionnel, s’il devait intervenir, pouvant toujours prendre la forme d’un avenant à l’actuelle convention. Ce recours à l’arbitrage présenterait - contrairement au défunt « règlement conventionnel minimal »- l’avantage de ne pas léser les médecins (leurs cotisations sociales seraient toujours prises en charge) et surtout de ne faire perdre la face à personne.
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