L'étude de Takeshi Nishimura et coll. (Primate Research Institute, Kyoto) apporte un éclairage nouveau à la connaissance du phénomène de descente laryngé qui survient chez les humains pendant la période postnatale et correspond à phénomène évolutif ayant présidé à la possibilité de phonation.
Le phénomène développemental observé chez les humains est considéré comme unique, et il a constitué le fondement des études paléoanthropologiques sur l'origine et l'évolution du langage parlé chez les humains.
Trois jeunes chimpanzés
Les chercheurs japonais ont étudié le développement de trois jeunes chimpanzés à l'aide de l'imagerie par résonance magnétique (IRM) pour observer les modifications de la région laryngée au cours du développement. Ils observent que le larynx descend, tout comme celui des bébés humains, pendant la petite enfance. Mais que le phénomène est différent, en se produisant sous la forme d'une descente rapide du squelette laryngé proche de l'os hyoïde, sans que ce dernier descende lui-même. Cette descente chez les primates est probablement associée à des modifications des mécanismes de la déglutition, et elle contribue à une indépendance entre les phénomènes de vocalisation et d'articulation nécessaires à la phonation. Les vocalisations du chimpanzé reflètent d'ailleurs cette indépendance. Au cours de l'évolution des primates vers les hominidés, la descente du larynx va se compléter par une seconde phase.
C'est ce que l'on déduit des observations comparatives entre chimpanzés et nouveau-nés humains. Chez ces derniers, l'os hyoïde et le larynx sont en position aussi élevée que chez les autres mammifères. Mais ces deux structures anatomiques descendent ensuite progressivement pendant la vie postnatale précoce (entre 4 et 6 mois d'âge). Ainsi, deux phénomènes distincts doivent être considérés. D'une part, la descente du squelette laryngé par rapport à l'os hyoïde (comme chez les chimpanzés) ; d'autre part, la descente de l'os hyoïde par rapport à la mandibule et à la base crânienne (chez les hominidés).
« C'est ainsi que le tractus vocal supralaryngé humain se développe pour former un double système résonateur à deux composantes de longueur égale : la composante horizontale est formée par le mur oropharyngé postérieur jusqu'aux lèvres et la composante verticale, des cordes vocales au velum. » C'est cette configuration, en combinaison avec la mobilité de la langue, qui permet la production des sons complexes de la voix humaine.
L'interaction d'un ensemble de fonctions
Jusque-là, on considérait que la descente du larynx était un phénomène évolutif survenu au cours d'un processus d'une seule traite, combiné à une diminution du prognathisme et à la déflexion de la base crânienne.
La première descente permet en fait au larynx de se mouvoir indépendamment de l'os hyoïde. Les changements subséquents du larynx qui descend le long du cou interagissent avec un ensemble de fonctions : la respiration, la déglutition et la locomotion.
Si la nouvelle conformation accroît le risque d'aspiration accidentelle pendant la déglutition, le mode adulte de déglutition est-il adapté pour réduire ce risque (fermeture de l'orifice laryngé) ?
« Si la théorie évolutionniste est correcte et que la position des structures pharyngées chez les hominidés confère des avantages, on peut supposer que la descente du pharynx est survenue en relation avec les changements du mode alimentaire et avec l'augmentation de la taille des hominidés. » Sans relation donc avec la nécessité phonatoire, qui n'existait pas, mais en constituait les prérequis.
« Proc Natl Acad Sci USA », 27 mai 2003, édition en ligne avancée.
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