EN EXAGÉRANT À PEINE, on est en droit de penser que si l'Europe n'occupe pas une place importante dans la campagne, c'est parce que le sujet est désespérant. L'Union est prostrée depuis que les peuples français et néerlandais ont rejeté par référendum le projet de traité constitutionnel. Le temps a donné raison aux partisans du « oui » : il n'y a pas de plan B, car il ne pouvait pas y en avoir.
De plus, à l'enthousiasme soulevé par l'élargissement de l'Union, a succédé un grand scepticisme à la fois chez les nouveaux venus et chez les membres fondateurs : il semble peu raisonnable de faire en sorte que l'Europe s'étende indéfiniment et qu'elle associe des pays dont le niveau de vie n'est pas comparable au sien. S'il est vrai que c'est l'adhésion à la CEE qui fait la prospérité de certains pays comme l'Espagne ou l'Irlande, l'expérience polonaise, pour ne prendre que cet exemple, n'est pas concluante sur le plan socio-économique (la Pologne est un pays à fort taux de chômage aujourd'hui encore), même si les Polonais expriment une adhésion très forte aux libertés essentielles assurées par la communauté européenne.
Le couple franco-allemand a changé.
Par ailleurs, le couple franco-allemand a toujours été le moteur de la construction européenne. Or la France de Chirac et l'Allemagne de Merkel ne sont plus celles de de Gaulle et d'Adenauer. Pendant les trente premières années de l'après-guerre, l'Allemagne du « miracle économique » restait sur sa réserve politique à cause du sentiment de culpabilité que lui donnait le souvenir de sa période nazie. La puissance économique de l'Allemagne était complétée, en quelque sorte, par la liberté politique de la France. Jusqu'à Gerhard Schröder, les relations entre les deux pays ont été marquées par cette complémentarité entre la force de la diplomatie française et la prospérité allemande.
Ce n'est plus le cas. Car la crise longue causée par les chocs pétroliers est passée par là. Angela Merkel doit obéir à son premier devoir : la croissance de son pays. C'est pourquoi elle fait beaucoup moins de concessions à la France que son prédécesseur. Elle a empêché Jacques Chirac de tenir une promesse électorale, la baisse de la TVA dans la restauration française ; elle tient bon sur Airbus et n'est pas prête à sacrifier des emplois allemands ; elle veut un traité constitutionnel de rechange, beaucoup moins contraignant et élaboré que celui qui a été rejeté, parce qu'elle préfère un peu d'Europe à pas d'Europe du tout, alors que la position de Chirac est plus complexe.
Nous continuons à nous entendre avec les Allemands, mais nous sommes beaucoup moins proches d'eux, notamment sur le plan diplomatique : Mme Merkel est plus atlantiste que Jacques Chirac.
A quoi s'ajoutent les incertitudes liées aux élections générales en France. La chancelière semble avoir plus d'affinités avec Nicolas Sarkozy qu'avec les autres candidats mais, de toute façon, elle fait progresser le calendrier politique sans attendre de savoir qui va diriger la France au mois de juin.
LE PRESIDENT ISSU DES URNES SERA LIBRE DE SES CHOIX EUROP2ENS
Le syndrome du « non ».
On notera que le président de la République n'a jamais surmonté le syndrome du « non ». Il a fait à l'époque une très mauvaise campagne du référendum ; il n'avait rien à proposer après le « non » ; l'alliance de fait qu'il avait par ailleurs conclue avec l'Espagnol José Luis Zapatero et Schröder s'est délitée quand le gouvernement allemand de coalition a succédé au chancelier socialiste. Or, en même temps que l'Europe s'élargit, le doute empoisonne ses peuples, qui craignent qu'elle ne meure d'obésité. Beaucoup de voix s'élèvent pour suggérer qu'un renforcement des institutions et une harmonisation des économies entre les pays membres constituent le nécessaire préalable à un élargissement ultérieur, alors que divers pays, de la Serbie à la Turquie, cognent à la porte européenne.
De sorte que l'évocation de l'Europe dans la campagne électorale en France risque de nuire aux candidats bien plus qu'elle n'a de chances d'améliorer leur position. On ne niera pas que, pour les électeurs, les problèmes de l'UE sont lointains et sans rapport avec leur vie quotidienne. Un peu comme l'écologie, sujet sérieux entre tous, mais qui ne figure pas autant, dans les préoccupations des Français, que l'emploi et le pouvoir d'achat. Il est donc vraisemblable que, dans tous les cas de figure, nous aurons un président français (ou une présidente) qui aura été élu sans s'être engagé sur le plan de l'UE et sera, du coup, totalement libre de ses choix européens.
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