« L ES mots " monoxyde de carbone ", pour beaucoup d'entre nous, font penser immédiatement à la pollution atmosphérique, à la fumée de cigarette ou aux suicides par inhalation de gaz d'échappement dans des garages fermés », indique, dans un éditorial, Christoph Thiermermann (Londres). Sans parler des mortelles intoxications liées aux systèmes de chauffage défectueux. Car, pouvant arrêter la respiration cellulaire, le CO est mortel. Dès lors, que faut-il penser d'une étude publiée dans « Nature Medicine », selon laquelle le CO a sauvé des souris de la mort ?
Après tout, on a bien l'exemple du monoxyde d'azote (NO, Nitric Oxide des Anglo-Saxons) qui, polluant atmosphérique issu de la combustion des huiles fossiles, est devenu second messager endogène de toute première importance (ce qui a d'ailleurs valu à Furchgott, Ignarro et Murad le prix Nobel de médecine en 1998).
La question de savoir si le CO peut être un régulateur physiologique aussi bien qu'un gaz toxique ne date pas d'aujourd'hui mais de janvier 1993, quand l'équipe de Verma a montré qu'il peut être impliqué dans le signal nerveux. D'où vient le CO endogène ? De la dégradation de l'hème sous l'action des hèmes oxygénases 1 et 2 (HO1 et HO2), qui libèrent le fer, la biliverdine et le CO.
Ischémie-reperfusion pulmonaire
Dans leur étude (« Nature Medicine », mai 2001), Fujita et coll. ont observé chez des souris sauvages que l'ischémie-reperfusion pulmonaire entraîne une multiplication par sept ou huit de l'expression de l'ARNm de l'HO1. Lorsqu'elles sont exposées à une ischémie-reperfusion expérimentale, seulement 12 % des souris meurent. En revanche, des souris déficientes en HO1 meurent toutes dans les 24 heures. Enfin, quand on donne à ces souris déficientes du CO par inhalation (0,1 %, soit de 500 à 1 000 ppm), la mortalité est réduite de 50 %.
Conclusion des auteurs : le CO n'agit pas toujours comme un gaz mortel, mais s'il était administré avec prudence, il pourrait servir de nouvelle thérapeutique inhalée, capable de réduire les conséquences de lésions pulmonaires aiguës.
« Si le CO peut réduire réellement les lésions pulmonaires provoquées par l'ischémie-reperfusion, quel est le mécanisme de ce bénéfice surprenant ? », se demande l'éditorialiste. Les effets bénéfiques pourraient être liés à la réduction de 47 % des dépôts de fibrine observée dans le système microvasculaire des souris. Le CO inhalé a une autre action : la suppression de l'expression du PAI-1 (Plasminogen Activator Inhibitor) induite par l'ischémie.
En fin de compte, sans entrer dans le détail, il semble que les effets du CO dans ce domaine passent, comme ceux du NO, par le biais d'une activation de la sGC (guanylate cyclase soluble), laquelle provoque une vasodilatation, une inhibition de l'adhésion plaquettaire et une suppression de l'expression du PAI-1.
« Ces données, cependant, ne suggèrent pas que nous devrions nous précipiter pour traiter par inhalation de CO les patients ayant des lésions pulmonaires aiguës, car les dangers de l'inhalation de CO dépassent les bénéfices (...) Fujita et coll. ont démontré que, chez la souris, l'inhalation de CO à 0,1 % pendant 24 heures se traduit par un pic plasmatique de carboxyhémoglobine d'environ 25 %. Bien que ce taux ne soit pas létal chez l'homme, il est dangereux. »
De plus, ajoute l'éditorialiste, Fujita et coll. ont montré que le NO fait aussi bien que le CO en termes de réduction de la mortalité. Mais le CO est un bien plus faible activateur de la sGC que le NO : il faut de 500 à 1 000 ppm de CO pour protéger les poumons contre l'ischémie-reperfusion, contre seulement 65 ppm de NO. Il est vraisemblable, ajoute-t-il, que la fenêtre thérapeutique du NO est plus large que celle du CO. « On pourrait ajouter que les antagonistes de la thrombine ou les HBPM sont aussi efficaces que l'inhalation de CO pour réduire les dépôts de fibrine dans le poumon. De plus, les auteurs démontrent que l'administration systémique d'hirudine réduit aussi la mortalité provoquée par l'ischémie-reperfusion des poumons des souris. »
« Il serait intéressant de voir si une formation accrue de CO par HO1 contribue à la protection du cur ou des reins après ischémie ou endotoxine. »
« Nature Medicine », mai 2001, pp. 598-604 et 534-535.
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