Gilbert Ricono est gestionnaire du centre médical du Mail, une ancienne maternité aux abords de Romorantin-Lanthenay (Loir-et-Cher), transformée par ses soins et ceux d’un ami radiologue en maison de santé de spécialistes libéraux, en 1980.
Ancien biologiste diplômé de pharmacie, Gilbert Ricono a décidé de pousser un coup de gueule à coup de « phrases bien senties ». À 82 ans, il n’a rien à perdre, dit-il, à part son entreprise qui prend l’eau peu à peu, faute de nouveaux médecins spécialistes pour la faire tourner. Les rares qui osent s’aventurer dans cette ville de 17 000 habitants en repartent ou travaillent à l’hôpital. En ville, non.
Des locaux vides et des charges qui ne cessent d’augmenter
Le Centre est la seconde région la plus dépourvue en médecins spécialistes libéraux, après la Picardie. Un tiers des professionnels installés dans le Loir-et-Cher ont plus de 60 ans. À Romorantin-Lanthenay, il n’y a ni pédiatre, ni dermatologue. Un ophtalmologue subsiste. Les trois gynécologues s’en sortent (un peu) mieux. Selon les données de l’Ordre, les médecins généralistes ne manquent pas. Toutefois, aucun ne travaille au centre médical du Mail. « C’était une règle qu’on s’était fixée à l’époque, commente le gestionnaire. On ne recrutait que des spécialistes, afin de ne pas gêner le travail des généralistes du coin. »
Dans les années quatre-vingt, une cinquantaine de personnes, dont 15 médecins et une dizaine de paramédicaux travaillaient au centre médical. Depuis, on compte un gastroentérologue, un dermatologue, un gynécologue obstétricien, un orthophoniste et un orthoptiste en moins, témoigne Gilbert Ricono.
Restent trois radiologues, un ORL, un psychiatre, un stomatologue, un gynécologue et trois podologues. « Plein de locaux sont vides, se désole l’homme. Impossible de trouver des repreneurs. Du coup, les charges inhérentes à une structure de quatre niveaux de 440 m2 chacun avec ascenseur augmentent pour ceux qui restent. On est en train de crever. Encore un ou deux départs et nous mettrons la clé sous la porte. »
Normes absurdes
L’argent, M. Ricono dit ne pas trop s’en soucier. Son inquiétude : c’est l’offre de soins en spécialistes du cru. Le biologiste blâme l’Europe et le gouvernement. L’Europe et ses « normes absurdes qui nous imposent de changer un ascenseur qui fonctionne parfaitement et de construire un W.C. accessible aux handicapés sans aide aucune ». Le gouvernement, « qui n’en est plus à une stupidité près » et sa volonté de « tuer la médecine libérale » en prenant parti pour le salariat, les centres de santé et l’hôpital. « À croire que notre ministre suit la logique suivante : moins il y aura de médecins, moins il y aura de malades, moins il y aura de dépenses. Tragique. »
Gilbert Ricono détient 40 % des parts de la maison de santé. Il est las mais ne veut pas baisser les bras. Revendre ? « Nous sommes à la campagne. Les pigeons, ça ne court pas les rues. »
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