C 'EST le Pr Dominique Dormont qui avait tiré la sonnette d'alarme, dans un entretien au « Quotidien » du 5 septembre 2000. Le président du comité interministériel sur les encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles expliquait que la barrière de sécurité qui avait été instaurée à l'hôpital par une circulaire de 1995 ne lui paraissait plus appropriée, compte tenu des nouvelles connaissances sur la distribution du prion.
Le Pr Lucien Abenhaim, directeur général de la Santé, répondant aussitôt dans les colonnes du « Quotidien », avait annoncé la publication d'une nouvelle réglementation. Celle-ci, sous la forme d'une circulaire signée du ministre de l'Emploi et de la Solidarité et du ministre délégué à la Santé, vient d'être adressée aux préfets ainsi qu'aux directeurs des agences régionales de l'hospitalisation. Elle concerne les « précautions à observer lors de soins en vue de réduire les risques de transmission d'agents transmissibles non conventionnels » (ATNC, pour ne pas dire prions).
Le nouveau variant de Creutzfeldt-Jakob (nvMCJ) présente des « caractéristiques préoccupantes», selon la circulaire. « En effet, dans les formes classiques d'ESST humaines, on estime que le titre infectieux présent dans les tissus périphériques est très faible, l'infectiosité étant principalement contenue dans le système nerveux central et l'il ». Alors que, dans le cas du nvMCJ, « la répartition tissulaire de l'infectiosité pourrait être plus large, puisque la présence de la protéine pathologique dans les amygdales et l'appendice des patients atteints suggère la présence de l'infectiosité dans l'ensemble des tissus lymphoïdes, y compris dans la phase préclinique ».
Et les ministres de rappeler à cet égard les nouvelles recommandations émises en septembre 2000 par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qui préconise l'incinération pour tout dispositif ayant été en contact avec un tissu de haute infectiosité.
Mesurer le risque
La nouvelle circulaire (datée du 14 mars) renforce les mesures en vigueur en France, selon un arsenal réglementaire gradué en fonction du niveau de risque.
Celui-ci se mesure selon les patients, les tissus et les actes. Pour les premiers, il convient de distinguer ceux qui ne présentent pas de caractéristique particulière et pour lesquels le risque d'une contamination doit être pris en compte selon l'acte et le tissu considéré ; ceux qui présentent des facteurs de risque individuel d'ESST (antécédent de traitement aux hormones de croissance, ouverture de la dure-mère et antécédents familiaux) ; ceux, enfin, qui sont suspects ou atteints.
Pour les tissus, trois catégories sont à distinguer, par ordre décroissant d'infectiosité :
- le système nerveux central (y compris l'hypophyse, la dure-mère et le liquide céphalorachidien) ;
- l'il et le nerf optique ;
- les formations lymphoïdes organisées comportant des centres germinatifs*.
Enfin, pour les actes, le risque doit être pris en compte, dès lors qu'il y a effraction ou contact prolongé avec un tissu infectieux.
Les dispositifs de sécurité varient donc selon les risques. La procédure la plus drastique est le recours à des dispositifs médicaux à usage unique, ou munis d'une protection à usage unique, chaque fois qu'un tel matériel existe et qu'il permet de réaliser une intervention sûre et efficace pour le patient. L'usage unique, en outre, est « prioritairement recommandé » pour les dispositifs médicaux ou les parties amovibles de dispositifs médicaux difficiles à nettoyer, ainsi que pour les actes à risque comportant un contact avec les tissus considérés comme infectieux. Et, pour que nul n'en ignore, les ministres précisent même : « Les matériels ou protections à usage unique ne doivent pas être réutilisés ».
Pour les dispositifs recyclables qui ont été en contact avec les tissus considérés comme infectieux, cinq étapes sont détaillées, pour lesquelles un renforcement des précautions est ordonné :
- le nettoyage, impératif aussitôt après chaque utilisation, qui doit être effectué dans un bain détergent pendant au moins 15 minutes ;
- l'inactivation des agents transmissibles non conventionnels à l'aide de la soude, si le matériel le permet ;
- la stérilisation par autoclaves pour charge poreuse à 134 degrés pendant au moins 18 minutes (seul procédé validé à ce jour) ;
- la désinfection par eau stérile pour dispositifs médicaux ;
- la séquestration avec identification.
Rechercher les antécédents
La circulaire précise enfin la conduite à tenir vis-à-vis du matériel utilisé chez les patients ultérieurement suspectés ou reconnus atteints d'une ESST. Il sera alors nécessaire de rechercher dans les antécédents d'un tel patient tous les actes qui ont comporté un contact direct avec les tissus jugés infectieux, et ce jusques et y compris au cours des six mois qui ont précédé l'apparition des signes cliniques. D'autre part, il faudra retrouver les cinq premiers patients chez lesquels le matériel ayant servi lors de ces actes a été réemployé, dans l'éventualité de la mise en place d'un dépistage, voire d'un traitement, des ESST.
Les deux ministres, qui se déclarent conscients des conséquences de leurs recommandations dans la vie quotidienne des professionnels, concluent que chaque établissement recevra les moyens financiers nécessaires, « selon le calendrier le plus adapté ».
* Pour le sang, les données actuellement disponibles tendent à considérer que le risque infectieux, s'il existe, est très faible.
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