Une table ronde à l'Assemblée a permis de faire le bilan des imperfections de la loi Huriet. Pas question de remettre en cause la nécessité de ce texte, unanimement approuvée par l'ensemble des politiques, chercheurs et industriels.
Seulement voilà : depuis son adoption le 20 décembre 1988, de nombreuses évolutions tant sur les plans de la médecine que du droit communautaire ont rendu certains de ses principes obsolètes, laissant la place à nombre de difficultés. Dès 1991, un rapport de l'IGAS (Inspection générale des affaires sociales) dénonçait son inadaptation aux essais de phase IV. Et identifiait par ailleurs de nombreux dysfonctionnements, toujours présents aujourd'hui.
Comme le rappelle le Pr François Lemaire dans son rapport d'étape rendu le 26 octobre 2001, on trouve, en vrac, « le problème du consentement en réanimation, en gériatrie ou en psychiatrie, l'obligation en pédiatrie d'obtenir le consentement des deux parents (problématique pour les familles recomposées) , le manque de moyens de l'Administration centrale (qui ne délivre aucun bilan sur les essais réalisés chaque année) , les ambiguïtés du champ d'application de la loi, l'inadaptation des lieux autorisés pour les recherches sans bénéfice individuel direct (comme la recherche en génétique, la thérapie cellulaire et génique), etc. ».
Un nouvel élément a contribué à changer la donne : le vote de la directive européenne en avril 2001. Elle diffère de la loi de décembre 1988 par certaines dispositions essentielles : la balance bénéfice/risque au lieu de la distinction avec bénéfice individuel direct/sans bénéfice individuel direct, l'absence de toute dérogation au consentement, l'incitation aux Etats membres pour qu'ils définissent le représentant « légal » des patients. Elle ouvre par ailleurs la porte à la suppression de le l'obligation de la gratuité à la charge du promoteur, imposé par l'article R-2038. Cette dernière mesure répond directement aux revendications des institutions de recherche (INSERM, ANRS, DRC des établissements hospitaliers).
Autre modification apportée par la directive : le renforcement du rôle des comités consultatifs sur la protection des personnes soumises à la recherche biomédicale (CCPPRB) et de celui de l'autorité compétente, l'agence de sécurité des produits de santé (AFFSAPS), qui délivre désormais une autorisation implicite. En revanche, certains éléments ne sont pas explicitement spécifiés dans la directive, mais doivent être clarifiés à l'occasion de la révision de la loi. Le but est d'améliorer le fonctionnement des CCPPRB français, leur financement, leur coordination, le rôle respectif des comités et de l'autorité compétente, et notamment le périmètre d'action de la DGS.
Toutefois, la directive a des applications plus restreintes que la loi Huriet. Elle ne concerne que les essais de médicaments. Mais il paraît difficile de n'adapter qu'une partie de la loi Huriet, en laissant en l'état les dispositions concernant le reste de la recherche biomédicale, comme la recherche cognitive. La transcription en droit français de la directive devra être effective le 1er mai 2003. Son application sur le terrain devra débuter en mai 2004.
Des amendements pour les problèmes urgents
Compte tenu du calendrier parlementaire, les possibilités de modifier en profondeur la loi Huriet dans le court terme apparaissent limitées. Certains problèmes urgents pourraient toutefois être résolus rapidement par amendements. Parmi les mesures envisagées, on peut citer la suppression de l'autorisation des lieux agréés pour la recherche sans bénéfice individuel direct, la définition d'une promotion institutionnelle, l'organisation de l'information des patients à la fin de l'essai, inexistante actuellement.
Pour le reste, le prochain gouvernement aura deux ans pour réviser les trois grands principes suivants : la suppression de la distinction avec bénéfice individuel direct/sans bénéfice individuel direct, la dérogation à l'inviolabilité du corps contenue dans le code civil, et la désignation d'un représentant légal du patient incapable de fait.
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