Jean Etienne Dominique Esquirol, né en 1772, est peut-être moins connu que son maître Pinel et pourtant, dans bien des domaines, son influence sur le développement de la psychiatrie française est au moins équivalente. Cela peut certes s'expliquer par des aléas politiques, puisque la famille Esquirol était royaliste (un frère fusillé par les républicains), ce qui a sûrement représenté un atout à la Restauration ; au même moment, Pinel, républicain modéré, était un peu marginalisé. Il reste que les travaux d'Esquirol sont largement influencés par l'uvre de Pinel et par le « traitement moral » que ce dernier prônait.
Dès 1817, Esquirol est à l'origine d'une réflexion sur la place de la psychiatrie dans la formation médicale, sur les aspects sociaux et institutionnels de cette discipline. Avec Pinel, Esquirol plaide pour la médicalisation des soins psychiatriques, ceux-ci devant être prodigués par des médecins spécialisés, dans des hôpitaux spéciaux. De fait, Esquirol est le grand inspirateur de la célèbre loi du 30 juin 1838 qui, à l'époque, était la législation la plus complète dans le domaine de l'hospitalisation des aliénés, leur assurant pour la première fois la garantie de leurs droits et la conservation de leurs biens.
Une réflexion institutionnelle novatrice
Esquirol, nommé en 1826 médecin-chef de la Maison Royale de Charenton, a été également l'initiateur d'une réflexion globale sur la prise en charge incluant l'institution et l'architecture. Par exemple, il écrit qu' « un hôpital d'aliénés est un instrument de guérison » et que « le plan d'un hospice n'est point une chose indifférente qu'on doive abandonner aux seuls architectes ». Esquirol propose la création d'un petit nombre d'établissements spéciaux, modèles destinés à recevoir uniquement des aliénés ceux-ci bénéficiant d'une prise en charge médicalisée. Comme le souligne Pierre Pinon, la pratique institutionnelle selon Esquirol fût mise en uvre dans de nombreuses maisons de santé, y compris bien entendu la Maison royale de Charenton. Cette vision architecturale du traitement de l'aliénation a été développée avec l'architecte Gibert, celui-ci assurant notamment la reconstruction complète de la Maisoon royale de Charenton.
Une uvre clinique qui mérite d'être relue
Il est clair, constatent plusieurs coauteurs de l'ouvrage (Georges Lanteri-Laura, Thierry Haustgen et Ruth Menahem) que l'uvre clinique d'Esquirol a sur certains points vieilli tant elle est attachée aux modèles théoriques empruntés à la tradition empiriste et à la conception unitaire de l'aliénation mentale, des écrits qui s'inscrivent donc dans le contexte du siècle des lumières. Aujourd'hui, le concept de monomanie, avec la classification qui a suivi, est daté, pour ne pas dire plus. Cependant, certains retrouvent dans ce désir de classification une parenté avec la démarche du DSM américain, ce qui fait beaucoup plus moderne...
Enfin, on ne peut passer sous silence l'impact des travaux d'Esquirol sur la perception de la maladie mentale par la société et par la justice. Même si l'on ne peut se satisfaire de voir les suicides intégrés globalement au monde de l'aliénation, on ne peut oublier qu'à l'époque, le suicide était considéré comme un acte criminel.
In fine, l'intérêt de ce livre est de montrer, à travers ce personnage exceptionnel, que le progrès n'est pas une longue ligne droite, dans les maladies mentales encore moins qu'ailleurs. Esquirol s'est parfois trompé, ou en tout cas ses visions de tel ou tel domaine de la psychiatrie ont été abandonnées avec le temps, mais il restera que son uvre est incontestablement constitutive de la psychiatrie française et même mondiale.
Conférence de presse organisée par les Laboratoires Lundbeck.
Redécouvrir les grands noms de la psychiatrie
Depuis sa création en France, il y a sept ans, Lundbeck s'est affirmé comme un laboratoire spécialisé en psychiatrie et en neurologie, associant la mise sur le marché de molécules innovantes et un travail d'accompagnement du soin auprès des cliniciens et de l'ensemble des équipes soignantes.
De très nombreux partenariats ont été ainsi tissés, qu'il s'agisse de la prévention du suicide, de l'amélioration du pronostic ou de la prévention des rechutes des psychoses schizophréniques... Enfin, depuis trois ans, Lundbeck édite, avec les éditions de l'Interligne, une série d'ouvrages consacrés à la vie et à l'uvre de grands psychiatres. Après Tatossian et Minkowski, le troisième ouvrage de cette série est consacré à Esquirol. Ces livres se caractérisent par des recherches bibliographiques toujours minutieuses et nous permettent de mieux comprendre les personnages qui ont fait évoluer l'approche des maladies mentales : des retours en arrière qui sont indispensables car, dans les sciences humaines, il est toujours difficile de séparer les idées et l'uvre de l'homme.
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