CELLULES SOUCHES et thérapie cellulaire. Le sujet avait déjà fait l’objet d’un colloque organisé par l’Académie des sciences en 2002 dans le cadre du débat de société soulevé par l’espoir d’une utilisation thérapeutique des cellules souches. «Un sujet majeur qui évolue très vite, avec des espoirs médicaux importants à plus ou moins long terme», explique le Pr Jean-François Bach, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences depuis janvier 2006. Des données récentes issues de laboratoires et de disciplines très diverses, l’hématologie, la neurologie, la myologie ou la dermatologie, laissent entrevoir aujourd’hui des possibilités thérapeutiques nouvelles. Pour la deuxième fois en quatre ans, l’Académie a donc décidé de mettre à son programme de colloques « la thérapie cellulaire régénérative ».
Cette année encore, l’événement se situe dans le cadre du dialogue entre science et société, puisqu’il est coorganisé avec Biovision, le forum mondial des sciences de la vie, dont la 5e édition se tiendra du 11 au 14 mars à Lyon, sur le thème : « La contribution des sciences de la vie aux objectifs du millénaire pour le développement »*. «Aborder les objectifs du millénaire par une approche scientifique et technologique est une façon de mieux les atteindre. Au lieu de parler de montants financiers, mieux vaut parler de technique et de savoir qui permettent d’y parvenir. C’est l’objectif que nous nous sommes fixé», souligne Philippe Demarescaux, président du forum.
Le devoir d’aller vite.
«Il ne faut pas oublier que l’objectif principal des recherches sur les cellules souches est de traiter les malades. Nous avons le devoir de le faire le plus vite et d’aller le plus loin que nous pouvons pour que les avancées de la recherche fondamentale se traduisent le plus rapidement possible en traitement pour les patients», explique Irving Wiessman (université de Stanford).
«Il a fallu vingt ans pour isoler les cellules souches hématologiques et celles capables de se différencier en cellules neuronales, je pense qu’il nous faudra beaucoup moins de temps pour isoler les cellules souches du poumon ou celles du coeur», affirme le spécialiste. Selon lui, il est du devoir des scientifiques d’informer le public sur les possibilités offertes par la thérapie cellulaire et, ajoute-t-il, «c’est à la société de juger du type de recherche qu’elle autorise.Mais elle doit être consciente que, si elle décide d’arrêter une recherche qui pourrait conduire à traiter des maladies jusqu’ici incurables, elle enlève aux malades toute chance de guérison».
En Californie, où il exerce, la recherche sur l’embryon est autorisée, même si elle très encadrée. «Les scientifiques doivent pouvoir travailler avec le matériel le plus approprié. Et ceux qui sont convaincus du bien-fondé de leurs recherches les poursuivent là où il est possible de le faire. Les chercheurs européens pourraient tous se retrouver en Californie.» Un trait d’humour qui souligne les différences législatives entre les pays.
En France, en dépit des avancées, la loi de bioéthique reste restrictive quant à la possibilité d’une recherche sur l’embryon. Ce qui n’est pas le cas de la Grande-Bretagne. Anne MacLaren, qui a participé aux discussions éthiques de la loi en Grande-Bretagne, explique pour sa part «que le Parlement anglais s’est doté il y a seize ans d’une loi autorisant la recherche sur l’embryon humain, mais que cette recherche est également très encadrée. La loi autorise aussi le transfert de noyau, improprement appelé clonage. Aujourd’hui, ces recherches ouvrent la perspective à long terme du traitement de maladies incurables comme les maladies dégénératives du motoneurone». Anne MacLaren est également persuadée que, «dans un avenir plus ou moins lointain, la thérapie cellulaire sera une pratique aussi courante que la pharmacothérapie aujourd’hui».
Fontaine de jouvence dans le cerveau.
La recherche sur les cellules souches adultes conduit aussi à des avancées cliniques. Des essais cliniques sont en cours sur le traitement des lésions de la moelle épinière ou dans des maladies neurovégétatives (Parkinson). Les progrès ont été rapides. «Dans le cas du cerveau, les objections ont été très dures à lever, explique Pierre-Marie Lledo (Cnrs, Pasteur). Il a fallu briser le dogme d’un cerveau adulte considéré comme un organe rigide et fixe. Et il faudra attendre 1998 pour démontrer que des cellules souches peuvent produire des neurones et les intégrer. On a alors mis en évidence l’existence d’une fontaine de jouvence dans le cerveau adulte, au coeur des ventricules latéraux.» Cette découverte a soulevé beaucoup d’enthousiasme et d’espoirs. «Aujourd’hui, on se rend compte que ces cellules juvéniles qu’on est capable de faire migrer dans une structure différente de leur structure de destination pouvaient avoir un comportement anormal», explique le chercheur qui invite à plus de prudence. Nicole Le Douarin, secrétaire perpétuelle honoraire de l’Académie, reconnaît que les scientifiques ont tendance à s’enthousiasmer, même s’ils gardent une vue critique sur leur enthousiasme, ce qui n’est souvent pas le cas du public. Aussi, conclut-elle, «il faut veiller à ne pas promettre plus qu’il n’est possible de donner».
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