De notre correspondante
à New York
DIX-HUIT ans déjà se sont écoulés depuis l'identification du gène responsable de la dystrophie de Duchenne ; s'il n'existe encore aucun traitement curatif, les recherches d'une thérapeutique sont toutefois en bonne voie.
L'approche d'exon-skipping, qui utilise des oligonucléotides antisens pour « réparer » le message génétique, offre notamment des perspectives prometteuses pour traiter cette maladie grave.
Dans la dystrophie de Duchenne, affection récessive liée à l'X, 70 % des mutations dans le gène dystrophine aboutissent à l'absence de protéine et à une maladie sévère, en créant un arrêt du cadre de lecture de l'ARN messager. L'ARNm est transcrit à partir de 79 segments codants - ou exons - du gène. Le saut d'exon (ou exon-skipping), qui survient naturellement à une faible fréquence, peut restaurer le cadre de lecture et aboutir à la production d'une protéine dystrophine raccourcie, mais fonctionnelle. Tel est le point intéressant de ce phénomène.
Des chercheurs ont donc eu l'idée de réaliser des oligonucléotides antisens qui permettent d'omettre l'exon contenant une mutation ponctuelle, pour rétablir un cadre de lecture qui permettra d'obtenir une protéine, un peu raccourcie, mais fonctionnelle.
Cette stratégie d'exon-skipping a donné des résultats positifs mais transitoires chez la souris mdx, qui porte une mutation non-sens dans l'exon 23 du gène dystrophine et sert de modèle murin de la myopathie de Duchenne.
L'injection intramusculaire d'oligonucléotides antisens dirigés contre l'exon 23 restaure la dystrophine chez cette souris, mais le bénéfice disparaît après quatre semaines, ce qui oblige à répéter les injections.
Aujourd'hui, une équipe française, dirigée par Olivier Danos (Généthon, Evry) et comprenant Jean-Claude Kaplan de l'hôpital Cochin (Paris), décrit chez la souris une nouvelle approche combinant l'exon-skipping et la thérapie génique afin de produire de façon stable et continue les molécules antisens thérapeutiques au sein des fibres musculaires.
Deux oligonucléotides antisens.
Les chercheurs ont choisi deux oligonucléotides antisens dirigés contre l'exon 23 (BP22 et SD 23). Autre perfectionnement, ces oligonucléotides antisens ont été liés à un snRNA (appelé U7) ; ce petit ARN nucléaire (Short Nuclear RNA) facilite leur inclusion dans la machine de traduction de l'ARNm et majore leur effet.
Enfin, le vecteur viral AAV (virus adéno-associé) a été utilisé pour transférer de façon efficace le gène U7 modifié (U7-SD23/BP22) dans le muscle squelettique.
Les résultats sont remarquables. Une seule injection intramusculaire du vecteur viral chez la souris mdx (n = 31) permet de restaurer de façon durable (pendant au moins treize semaines) des taux quasi normaux de dystrophine dans le muscle traité, et de normaliser l'histologie de ce muscle.
Voie intra-artérielle dans la patte arrière.
Les chercheurs ont ensuite injecté le vecteur viral par voie intra-artérielle dans la patte arrière de la souris mdx (n = 5). Cela a permis de restaurer, un mois après, la dystrophine dans plus de 80 % des fibres de la plupart des muscles du membre traité. Les muscles traités ont retrouvé, six semaines après, une force presque normale et ne sont pas endommagés par l'exercice.
« Les taux et la stabilité de l'exon-skipping que nous rapportons sont significativement supérieurs à ceux obtenus avec les autres oligonucléotides injectés in vivo », précisent les chercheurs.
« La dystrophie de Duchenne convient particulièrement à l'approche d'exon-skipping thérapeutique, étant donné la nature modulaire et répétitive de certains domaines de la dystrophine. »
Une approche ciblant un seul exon pourrait être bénéfique pour 43 % des patients, estiment-ils d'après la base de données de l'hôpital Cochin ; et ce pourcentage pourrait être accru si le ciblage de plusieurs exons devient possible.
Dans la majorité des cas, le phénotype Duchenne pourrait être converti en myopathie de Becker (forme moins sévère). Mais, pour certains génotypes, les chercheurs prévoient la restauration d'une dystrophine pleinement fonctionnelle.
« Sciencexpress », 5 novembre 2004.
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