DE NOTRE CORRESPONDANT
LES CLIGNOTANTS ROUGES se sont allumés en Espagne.
Cet été, le nombre de médecins sera-t-il suffisant dans les zones touristiques de Catalogne ? Les autorités de cette région sont loin d'en être certaines. Elles réclament au ministre espagnol de la Santé, le Dr Bernat Soria, l'autorisation d'embaucher pour cette période des professionnels étrangers, principalement argentins, colombiens ou équatoriens, avant que la procédure d'homologation des diplômes par le ministère ne soit terminée.
Le sous-directeur du personnel du système andalou de santé, Antonio Cervera, reconnaissait pour sa part, courant juin, que tous les services de santé des régions espagnoles «ont déjà engagé exceptionnellement des professionnels qui avaient le titre de spécialiste correspondant, mais qui n'avaient pas encore obtenu son homologation».
Manifestes depuis près de deux ans, les controverses sur le nombre des médecins en Espagne sont de plus en plus vives. S'agit-il d'un manque réel de médecins, d'une mauvaise répartition entre les spécialités ?
Les différentes organisations professionnelles et syndicales de médecins espagnols ont du mal à se mettre d'accord sur le diagnostic, et donc sur les causes et les remèdes.
Mouvements de grève.
Dans la région de Madrid, par exemple, où six nouveaux hôpitaux ont été ouverts au début de l'année 2008, les autorités régionales responsables de la Santé ne peuvent pas trouver les médecins nécessaires pour le fonctionnement normal de ces établissements. Mais le problème le plus délicat dans la région concerne le réseau des centres de santé de la Sécurité sociale, où les spécialistes de médecine familiale reçoivent souvent 35 ou 40 patients chaque jour. Des mouvements de grève ont eu lieu dans ces centres à la fin du mois d'avril, pour réclamer une réduction du nombre de patients attribués à chaque médecin et l'embauche de nouveaux collègues dans ces établissements.
Pour trouver une solution, la présidente régionale, Esperanza Aguirre, avait même annoncé, fin février, l'ouverture de quatre nouvelles facultés de médecine en octobre prochain ; un choix extrême et jugé peu réaliste, critiqué tant par les organisations de médecins que par le ministère de la Santé.
«Le manque de professionnels, dans quelques spécialités, est habituel, dans certaines régions espagnoles, comme les îles Canaries. Pourtant, le cas de Madrid et de sa région est très particulier: avec ses quatre facultés de médecine, la région forme depuis longtemps de nombreux professionnels. Mais beaucoup de médecins formés à Madrid ont dû depuis plus de dix ans accepter un poste à 200 ou 300km de la capitale», affirme au « Quotidien » le Dr Miguel Ángel García Pérez, spécialiste en médecine familiale et coordinateur des études au sein de la Confédération espagnole des syndicats de médecins (CESM), «Les besoins actuels de Madrid, surtout après l'ouverture des nouveaux hôpitaux, provoquent des manques conjoncturels qui entraîneront le retour progressif de ces médecins qui n'ont jamais rompu avec la capitale», ajoute-t-il.
Dans un rapport présenté il y a quelques semaines, à Madrid, aux médecins de la confédération, le Dr García Pérez a rappelé que, face à l'augmentation importante de la population liée surtout à l'immigration récente en provenance d'Amérique latine et à la poussée de la natalité qui en résulte, «la solution ne passait pas par des propositions irrationnelles, comme la création accélérée de plusieurs facultés dans certaines régions. Si la conjoncture évolue dans quelques années, que ferions-nous de ces facultés?».
Il vaut mieux améliorer, estime-t-il, «les conditions de travail des médecins pour que les professionnels espagnols qui se sont expatriés ces dernières années puissent revenir. Il convient également d'augmenter sur l'ensemble du territoire espagnol le nombre d'étudiants en première année de médecine, nombre qui de 4200 durant ces dernières années est déjà passé à 4900 en 2007-2008. Enfin, selon nos calculs, entre 30000 et 40000médecins recensés comme tels par notre organisation collégiale n'exercent pas en réalité, car ils n'ont pas fait le MIR (internat) à une époque où les places disponibles étaient peu nombreuses. Maintenant qu'il y a davantage de places au MIR que de médecins qui s´y présentent, certains de ces professionnels inactifs seraient sans doute disposés à commencer enfin une carrière».
Transferts de compétences et de tâches ?
Les discussions actuelles en Espagne pour permettre au personnel infirmier de prescrire certains médicaments peuvent-elles contribuer à solutionner le manque de médecins ? «S'il manque des médecins, il faut les former et les engager», commente pour « le Quotidien » le Dr Francisco Toquero, vice-secrétaire général de l'Organisation médicale collégiale (OMC), avant d'ajouter : «Il faut rendre plus attractifs les postes de travail, notamment pour les femmes; car aujourd'hui, en première année de médecine, près de 75% des étudiants sont des femmes. Mais qu'on ne nous parle pas de partager notre travail avec le personnel infirmier.»
Pour le conseil général des infirmiers en Espagne, le problème ne se pose pas en ces termes. «Depuis l'approbation en juillet 2006 de la loi sur les garanties et l'usage rationnel des médicaments, les infirmiers espagnols qui, dans des circonstances bien délimitées, étaient amenés à prescrire certains médicaments sans en référer au médecin, travaillent d'une certaine manière dans l'illégalité», affirme pour sa part Maximo Gonzalez Jurado, président du conseil général des infirmiers et professeur à l'université Complutense de Madrid. «Cette loi stipule en effet que seuls les médecins et les odontologues ont le droit de prescrire. Avant juillet 2006, rien n'était clairement exprimé, et le personnel infirmier prescrivait pour ainsi dire dans l'illégalité. Le ministre de la Santé nous a reçus, le 26mai dernier, et nous sommes en train de définir précisément avec nos collègues médecins quarante-cinq situations cliniques où l'infirmier pourra prescrire un médicament», conclut Maximo Gonzalez Jurado, qui rappelle enfin que les professions de médecin et d'infirmier sont complémentaires.
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