C'est un des enseignements majeurs de ce sondage, mais aussi un argument de poids pour les syndicats médicaux dans la discussion conventionnelle : plus de huit spécialistes sur dix (85 %) sont favorables à la négociation de nouveaux espaces de liberté tarifaire pour les médecins du secteur I. 54 % y sont même « tout à fait favorables » et 31 % « plutôt favorables ». Seulement 8 % des spécialistes interrogés se déclarent « opposés » aux espaces de liberté tarifaire (et 5 % tout à fait opposés).
Ce plébiscite pour les espaces de liberté tarifaire est une aubaine pour les syndicats de spécialistes qui, depuis quelques semaines, ont fait de ce chapitre de l'accord du 10 janvier la clé des négociations conventionnelles. Et même un casus belli. La CSMF et le SML ont affirmé ces derniers jours qu'ils ne signeraient pas de convention médicale sans nouveaux espaces de liberté tarifaire ; posture qui a contraint la CNAM, hier très prudente, à ouvrir enfin le dossier. « Parler d'espace de liberté tarifaire n'est plus une injure », constate le Dr Michel Chassang, président de la CSMF.
Quelles que soient les solutions retenues in fine (droit au dépassement élargi à toute demande non médicale, élaboration d'une liste d'actes à tarif libre, honoraires libres si le patient consulte directement un spécialiste, etc.), le combat des syndicats pour permettre aux médecins d'exercer une partie de leur activité en dehors des tarifs opposables trouve un écho extrêmement positif chez les spécialistes. Autre fait significatif : ce droit au dépassement, bouffée d'oxygène, laisse peu de médecins indifférents (7 % ne se prononcent pas sur les espaces de liberté).
Un spécialiste sur deux applique fréquemment le DE
Ce n'est guère surprenant. Hier taboue, la liberté tarifaire a été banalisée depuis quelques mois par les spécialistes libéraux et il semble que les praticiens veuillent pousser cet avantage. Les appels récurrents de certains syndicats à une utilisation très large du DE (dépassement pour exigence particulière du patient de temps ou de lieu), afin de compenser le blocage des honoraires depuis 1995, ont marqué les esprits. Et l'« affaire » des Deux-Sèvres, où la plupart des pédiatres, ophtalmologistes ou gynécologues facturent systématiquement des dépassements aux patients demandant des consultations rapprochées, prouve que les spécialistes appliquent parfois les mots d'ordre à la lettre. Près d'un spécialiste sur deux (48 %) affirme en tout cas appliquer le DE de façon régulière (21 % « toujours » et 27 % « parfois »). A noter toutefois qu'un tiers des spécialistes interrogés (32 %) déclare ne « jamais » appliquer le DE, ce qui nuance fortement le discours, parfois entendu, selon lequel les dépassements tarifaires se seraient généralisés ces dernières semaines sur tout le territoire et dans toutes les disciplines. Neuf pour cent des spécialistes, enfin, déclarent utiliser « rarement » le DE .
Reste que, pour les confédérations de salariés qui siègent au conseil d'administration de la CNAM, mais aussi pour la Mutualité française, la banalisation des dépassements tarifaires remet directement en cause le principe de l'égalité d'accès aux soins. Même si, affirment les syndicats, les bénéficiaires de la CMU sont épargnés par cette pratique.
La CNAM souligne aussi que la surfacturation des consultations s'inscrit en « totale rupture » avec l'esprit du contrat conventionnel, puisque la Sécurité sociale prend en charge l'essentiel des cotisations sociales des médecins en secteur I, en contrepartie du respect des tarifs opposables.
La partie n'est donc pas gagnée pour les syndicats mais ils savent désormais que la revendication cruciale d'espaces de liberté tarifaire est adoptée aujourd'hui par près de neuf spécialistes sur dix.
Fiche technique
Enquête effectuée par l'institut IPSOS-Opinion pour « le Quotidien du Médecin », les 12 et 13 février 2003, auprès de 203 médecins spécialistes libéraux, représentatifs de l'ensemble des spécialistes exerçant en France métropolitaine qui ont été interrogés par téléphone selon la méthode des quotas (type de spécialité, sexe, âge, région).
Forte adhésion à des espaces de liberté tarifaire
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Un certain nombre de spécialistes appliquent le dépassement dhonoraires. Vous-même, appliquez-vous le dépassement dhonoraires (DE) ?
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Ensemble % |
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Toujours |
21
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Parfois |
27
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Total toujours - parfois |
48
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Rarement |
9
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Jamais |
32
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Total rarement-jamais |
41
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Ne se prononce pas |
11
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Total |
100
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Les syndicats, dans la cadre de la convention, vont négocier des espaces de liberté tarifaire pour les médecins du secteur I. Y êtes-vous...? |
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Ensemble % |
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Tout à fait favorable |
54
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Plutôt favorable |
31
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Total favorable |
85
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Plutôt opposé |
3
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Tout à fait opposé |
5
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Total opposé |
8
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Ne se prononce pas |
7
|
Total |
100
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