Un entretien avec le Pr Nicole CASADEVALL*
Les indications de l'érythropoïétine (EPO) sont définies par voie réglementaire. L'époétine alfa est indiquée dans le traitement de l'anémie et la réduction des besoins transfusionnels chez les patients adultes traités par chimiothérapie pour des tumeurs solides, des lymphomes malins ou des myélomes multiples et à risque de transfusion en raison de leur état général. L'époétine bêta a pour indication le traitement de l'anémie des adultes atteints de tumeurs solides et traités par chimiothérapie à base de platine susceptible d'entraîner une anémie, et le traitement de l'anémie des adultes atteints de myélome multiple, de lymphome non hodgkinien de bas grade ou de leucémie lymphoïde chronique, qui ont un déficit relatif en érythropoïétine et qui sont sous thérapie antitumorale. La darbépoétine alfa est indiquée dans le traitement de l'anémie chez des patients adultes atteints de tumeurs solides recevant une chimiothérapie.
Une efficacité bien établie
De nombreux travaux méthodologiquement robustes ont évalué l'efficacité de l'érythropoïétine sur les paramètres hématologiques, en termes de qualité de vie des patients et sur l'efficacité de la thérapeutique anticancéreuse.
Le traitement par érythropoïétine se traduit par une augmentation du taux d'hémoglobine et par une réduction du nombre de transfusions et de patients transfusés. Les différentes études ayant évalué l'efficacité de cette manière sont convergentes.
En cas de tumeur solide, les travaux les plus récents ont porté sur des effectifs de malades importants. Elles rapportent un taux de réponse de 66 % avec une augmentation moyenne du taux d'hémoglobine de 2,3 g/dl à 28 semaines. Ces études sont toutefois hétérogènes en ce qui concerne les produits et les doses utilisés et la durée du suivi.
L'efficacité de l'érythropoïétine a également été démontrée pour les tumeurs hématologiques. L'augmentation moyenne du taux d'hémoglobine est alors de 1,8 ± 2,05 g/dl à 12 semaines pour les myélomes multiples, par exemple. Globalement, l'ensemble des études tend à montrer que le taux de réponse se situe dans une fourchette allant de 50 à 70 %. Les taux de réponse semblent être les plus élevés chez les patients soumis à une chimiothérapie comportant des sels de platine. Rien ne permet toutefois d'affirmer que l'érythropoïétine soit plus efficace pour un type de chimiothérapie en particulier.
Le traitement par l'érythropoïétine entraîne également une réduction du nombre de transfusions et de patients transfusés, avec un risque relatif de 0,64 (intervalle de confiance à 95 % : 0,53-0,78). On peut ainsi estimer qu'une transfusion qui aurait été obligatoire peut être évitée pour 5 patients sous EPO.
Une amélioration de la qualité de vie
L'administration d'érythropoïétine améliore de façon significative plusieurs composantes de la qualité de vie comme la fatigue, l'énergie et les activités quotidiennes. Enfin, l'impact de l'EPO sur l'efficacité de la chimiothérapie a été assez peu évalué, mais une publication a indiqué une tendance favorable sur la survie et la survie sans progression, la différence n'atteignant toutefois pas le seuil de significativité statistique. Les travaux en question n'avaient cependant pas été construits spécifiquement pour étudier ce paramètre.
Concernant la tolérance, aucune étude n'a mis en évidence de différence significative sur la survenue d'effets indésirables liés à l'administration d'érythropoiétine. En particulier, aucun cas d'érythroblastopénie n'a été rapporté.
Pas de facteur prédictif d'efficacité
Il est possible d'administrer de l'érythropoïétine en dehors du cadre réglementaire, par exemple chez des patients atteints de myélodysplasie. L'anémie est en effet très fréquente chez ces sujets. Une analyse obtenue par compilation de 17 séries de malades qui ont reçu de l'époétine suggère qu'il y a environ 16 % de répondeurs. Des besoins transfusionnels bas et un taux d'époétine endogène faible (inférieur à 200 mU/ml) semblent être des facteurs prédictifs de réponse. L'administration concomitante de facteur de stimulation des colonies de granulocytes (G-CSF) permet d'obtenir des taux de réponse de l'ordre de 40 à 50 %.
Une des difficultés du traitement par EPO est l'identification des patients répondeurs. En effet, il n'existe pas de facteur prédictif de cette efficacité : c'est la réponse précoce qui est le meilleur indicateur du succès thérapeutique. Cette identification est importante en raison du coût du traitement et des doses importantes nécessaires.
* Hôtel-Dieu, Paris
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