JE SERAI «le ministre des économies», a annoncé d'emblée Eric Woerth en prenant ses fonctions à Bercy. Tout est dit. Pour les comptes publics, Sécurité sociale comprise, l'heure est à la maîtrise. Et, logiquement, c'est un gestionnaire avisé, un homme qui ne badinera pas avec les cordons de la bourse, que Nicolas Sarkozy et François Fillon ont choisi comme ministre « du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique » – puisque tel est son titre exact.
Diplômé d'HEC et de Sciences-Po, dans une première vie, responsable du cabinet d'audit Arthur Andersen (aujourd'hui Accenture), dernier trésorier du RPR puis grand argentier de l'UMP, le nouveau ministre connaît, en effet, son boulier.
Il sait aussi ce que c'est que de faire partie d'un gouvernement puisque dans la dernière équipe de Jean-Pierre Raffarin (2004-2005), il était secrétaire d'Etat à la Réforme de l'Etat. Mais, à 51 ans, ce fidèle d'Alain Juppé – il fut son conseiller parlementaire à Matignon entre 1995 et 1997, en plein plan… Juppé – passe aujourd'hui à la vitesse supérieure. A Bercy, le député (UMP) de l'Oise et maire de Chantilly (depuis 1995) va devoir relever plusieurs défis et non des moindres.
Le premier est de pure forme. Il faut que le nouveau ministre s'adapte au découpage ministériel voulu par Nicolas Sarkozy. Tout n'est pas encore fixé (les décrets d'attribution sont attendus), mais Eric Woerth et Jean-Louis Borloo – les deux hommes cohabitent – essuient les plâtres après l'explosion du traditionnel ministère de l'Economie et des Finances. Jean-Louis Borloo pilote l'emploi, les finances, le commerce extérieur. Eric Woerth est, lui, aux manettes d'un budget devenu autonome et de l'ensemble des comptes publics ; la fonction publique est également sous sa coupe, ce qui, sur le papier au moins, lui donne toutes les cartes en main pour procéder à la cure d'amaigrissement de l'Etat (avec, entre autres, le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux) annoncée par le candidat Sarkozy.
Avant même d'être mises en oeuvre, sans qu'elles soient précisément définies, les nouvelles frontières ministérielles ont soulevé de nombreuses inquiétudes, notamment dans les milieux syndicaux. Les organisations de médecins, en particulier, s'émeuvent de la déconnexion brutale instaurée entre les chiffres et la santé. Qui va décider quoi quand il s'agira d'augmenter les tarifs ou au contraire de demander des efforts de maîtrise au corps médical ? Eric Woerth, autoproclamé, donc, ministre des économies, aura-t-il systématiquement le dernier mot ?
Si l'architecture, inédite, de son ministère est périlleuse, la nature des dossiers qui échoient à Eric Woerth l'est évidemment tout autant. A son programme, il y a une réforme fiscale (droits de succession, de donation, déductibilité des intérêts d'emprunt immobilier…) que Nicolas Sarkozy veut faire voter d'ici à la fin de l'été ; il y a la préparation du débat d'orientation budgétaire et la construction de la prochaine loi de finances.
Terrain glissant.
Les comptes sont un terrain aussi glissant que crucial. Du côté de l'assurance-maladie, le nouveau ministre du Budget va devoir retrousser ses manches sans attendre. Les chiffres (à la fin de 2006, le déficit de l'assurance-maladie était de 5,9 milliards d'euros, celui du régime général de la Sécu atteignait 8,7 milliards d'euros) dérapent, le comité d'alerte s'apprête à tirer la sonnette d'alarme (« le Quotidien » du 15 mai). Des mesures d'urgence vont sans doute devoir être prises qui n'attendront pas la prochaine loi de financement de la Sécurité sociale – une Lfss 2008 qu'Eric Woerth va cependant devoir commencer à préparer avec la ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports, Roselyne Bachelot.
Et puis les comptes, c'est aussi la dette publique : 63,3 % du PIB, plus de 1 100 milliards d'euros. Un puits sans fond. Dans sa profession de foi, Nicolas Sarkozy a prévenu : «La maîtrise de nos finances publiques est un impératif moral autant que financier.» Il repose désormais sur les épaules d'Eric Woerth.
L'irrésistible ascension de Bertrand
Aux médecins qui viennent de le pratiquer pendant trois ans, on ne présente pas le nouveau ministre du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité. Pour lui, comme pour nul autre auparavant, l'Avenue de Ségur aura été un tremplin politique particulièrement efficace. A 42 ans, le petit assureur de l'Aisne peut se targuer d'être monté vite et haut, avec un pedigree relativement court (la mise en oeuvre de la réforme de l'assurance-maladie initiée par Philippe Douste-Blazy, la réduction du déficit à 5,9 milliards d'euros, l'interdiction de fumer dans les lieux publics sont ses trois grands faits d'armes).
On l'attendait aux « Comptes », c'est finalement le Travail : un « super Grenelle », ont commenté les analystes politiques. Et voici Xavier Bertrand, pour les mois qui viennent, sous les feux de la rampe. Car, à peine intronisé, il trouve à son agenda des dossiers explosifs et étiquetés « urgents » par Nicolas Sarkozy : le service minimum dans les transports, la réforme des régimes spéciaux de retraite, les heures supplémentaires. Il doit aussi, avec Raymond Soubie (voir ci-dessous), s'atteler à la préparation des quatre conférences sociales programmées pour la rentrée (démocratie sociale, égalité salariale hommes-femmes, « flexsécurité », et conditions de travail). La création d'une cinquième branche de la Sécurité sociale pour la dépendance, le dossier du handicap font également partie de ses attributions.
Fonceur, ambitieux, bosseur, fin négociateur et grand communicant – autant de traits de caractère qui ont séduit le nouveau chef de l'Etat –, le ministre du Travail ne va pas chômer.
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