La direction de la polyclinique médico-chirurgicale de la Ligne bleue, à Epinal, a de quoi être amère : 16 des 22 infirmières espagnoles qu'elle a formées ont finalement quitté l'établissement.
Face à la pénurie actuelle d'infirmières en France (6 000 postes vacants rien que dans l'hospitalisation privée), la polyclinique d'Epinal, qui compte 500 salariés pour 350 places et lits, avait en effet pris l'initiative, au printemps dernier, de recruter 22 infirmières espagnoles diplômées à Madrid, avec la collaboration de l'ambassade de France et de la Chambre de commerce franco-espagnole sur place (« le Quotidien » des 6 juin et 3 septembre). En Espagne en effet, 40 000 infirmières diplômées sont sans emploi ou sous contrat précaire, si bien que la France a commencé cette année à faire appel à ce « vivier », après la Grande-Bretagne et le Portugal.
La polyclinique de la Ligne bleue a été l'une des premières cliniques privées françaises à embaucher des infirmières espagnoles ces derniers mois. Surtout, elle a fait l'effort de procéder elle-même au recrutement alors que d'autres ont confié cette tâche à un organisme intermédiaire, tel l'Institut européen de la santé fondé à Lavaur (Tarn) en juillet dernier.
Un « exil » difficile
La polyclinique de la Ligne bleue a donc payé le voyage de ses jeunes infirmières espagnoles dans les Vosges. Comme aucune d'entre elles ne parlait notre langue, l'établissement a organisé des cours de français, à plein temps pendant deux semaines, puis à mi-temps. Des membres du personnel ont joué bénévolement le rôle de tuteurs pour faciliter l'intégration des infirmières espagnoles au sein de leur service et dans leur ville d'accueil.
Comme le prévoyait le responsable de l'opération, Gabriel Giacometti, certaines infirmières ibériques ont souffert de leur exil. « Quatre cet été, puis deux au début de septembre sont parties, car elles avaient le mal du pays », explique-t-il.
Mais, surtout, un deuxième groupe d'infirmières a démissionné et plié bagages : elles « avaient été contactées directement, nous ont-elles dit, par des cliniques du Sud-Ouest de la France », affirme Gabriel Giacometti, qui avait remarqué dans la presse locale, depuis quelque temps, les petites annonces d'offres d'emploi émanant d'établissements méridionaux.
Une expérience enrichissante
Aujourd'hui, M. Giacometti essaye de positiver cette expérience en faisant valoir que « tout semble aller pour les six infirmières espagnoles qui restent ». La clinique a, malgré tout, « tiré les leçons » de cette procédure de recrutement à l'étranger. « On a peut-être embauché un trop grand nombre de personnes », avance le responsable de l'opération. Il évoque également la rédaction des contrats de travail à durée indéterminée, calqués sur ceux de l'ensemble du personnel, alors qu'ils auraient pu inclure une clause obligeant les infirmières à travailler pendant au moins une année dans l'établissement, compte tenu de la formation qui leur a été dispensée.
Selon Gabriel Giacometti, la polyclinique d'Epinal a dû « revoir (son) organisation interne » après les départs groupés des infirmières ibériques, mais elle n'envisage pas de les remplacer à court terme et dans l'immédiat. L'établissement continue néanmoins de prospecter pour embaucher, dans les prochains mois, du personnel qualifié. Il redoute, à compter de 2002, les répercussions, sur le marché de l'emploi, des 35 heures à l'hôpital public, déjà très attractif pour de nombreuses infirmières qui travaillent aujourd'hui dans l'hospitalisation privée.
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