Cette année, les Journées françaises de l'épilepsie (JFE) ont choisi de prendre comme thème la guérison. « Une première mondiale, a expliqué le Pr Hervé Vespignani, président de la Ligue française contre l'épilepsie. Cethème volontairement provocateur sera repris durant l'année 2002 dans les grandes manifestations internationales. Il s'agit de répondre à de nombreuses interrogations : Qu'est-ce que la guérison pour un malade ayant souffert de crises épileptiques ? Peut-on vraiment parler de guérison ? Peut-on la prévoir ? Quelles sont les perspectives thérapeutiques nouvelles ? Comment essayer d'éviter ou de minimiser les conséquences d'une maladie "pas comme les autres" (survenue inopinée des crises n'importe où, n'importe quand, survenue d'un symptôme qui met en cause l'intégrité neuropsychique ou encore le déclenchement de manifestations qui échappent à la conscience du malade, redoutant les conséquences pour lui-même et son entourage) ? Véritable maladie sociale, la maladie épileptique tend à marginaliser les malades au sein de la vie civile (scolarité, sport, sexualité, risques domestiques, milieu professionnel, etc.). Comment y remédier ? »
Incompréhension, désolidarisation, ostracisme, exclusion
Il existe actuellement en France entre 350 000 et 450 000 patients épileptiques. L'épilepsie est la maladie neurologique chronique la plus fréquente ; sa prévalence est de 0,6 à 0,8 dans la population générale ; elle est relativement stable dans le monde (de 50 à 60 millions de patients épileptiques). L'incidence de la maladie est hétérogène et est augmentée aux âges extrêmes de la vie. « Cette notion est récente, affirme le Dr Pierre Thomas, secrétaire général de la Ligue française contre l'épilepsie. En effet, on observe une remontée spectaculaire après 75 ans de l'incidence des épilepsies. Si l'on inclut les crises isolées survenant à un moment quelconque de la vie, le taux d'incidence cumulatif (prévalence au cours de la vie entière) atteint 2 à 6 % entre 40 et 80 ans. »
Caractérisée par la répétition spontanée des crises, la maladie épileptique se conjugue au pluriel, puisque, jusqu'à présent, on a individualisé quarante syndromes différents, dans leur cause comme dans leur gravité. « On estime que la durée moyenne de vie d'une épilepsie est de douze à quinze ans, a précisé le Dr Thomas. Certains syndromes guérissent spontanément. Les deux tiers sont contrôlés par les médicaments ; un tiers des patients continuent à présenter des crises fréquentes ou invalidantes après deux ans de traitement antiépileptique bien conduit ; cette donnée définit la pharmacorésistance. »
Quatre grands groupes
On identifie quatre grands groupes d'épilepsies classées selon le pronostic :
- les épilepsies spontanément bénignes qui représentent 20 à 30 % des cas. Elles sont rares, il existe souvent un facteur précipitant. Les examens neurologique et neuropsychologique sont normaux. Le succès du traitement médicamenteux permet d'envisager à terme un arrêt du traitement ;
- les épilepsies pharmacosensibles, dont font partie les épilepsies-absence de l'enfant, représentent de 30 à 40 % des cas. On observe une rémission permanente sous traitement, avec un arrêt possible de la médication ;
- les épilepsies pharmacodépendantes représentent de 10 à 20 % des cas. La rémission est obtenue avec difficulté. L'arrêt du traitement induit une rechute systématique impliquant le traitement à vie ;
- les épilepsies pharmacorésistantes représentent 20 % des cas. Sévères, chroniques, elles sont constamment résistantes à une polythérapie. L'arrêt du traitement est impossible et déconseillé. Les examens neurologique et neuropsychologique sont anormaux. L'insertion socioprofessionnelle est perturbée ; un des exemples est le syndrome médiotemporal, les patients présentant à l'IRM une sclérose hippocampique. Dans 90 % des cas, il existe une pharmacorésistance.
La place de la chirurgie
La chirurgie est limitée à certains cas bien précis. « Deux cents à trois cents patients sont opérés chaque année. Le nombre de postulants seraient de 50 000 par an », a ajouté le Dr Dominique Broglin. Mais cette chirurgie de précision n'est pas pratiquée partout ; il existe de grandes disparités régionales qui remettent en cause l'égalité des soins sur le plan national.
L'intervention chirurgicale consiste à effectuer l'ablation de la zone épileptogène (quelques centimètres cubes), en s'assurant qu'elle n'est pas corrélée à des aires fonctionnelles. Cela permet d'améliorer considérablement les patients, voire de les guérir. « Il arrive chez des enfants souffrant d'une maladie épileptique gravissime, qui ont de 100 à 150 crises épileptiques par an, précise le Dr Perrine Plouin (Paris), d'effectuer une hémisphérotomie pour améliorer leur qualité de vie au prix de déficits moteurs. Ces cas sont très rares. »
Il s'agit d'intervenir le plus tôt possible pour profiter, notamment chez l'enfant, de la plasticité du cerveau. « La chirurgie de l'épilepsie peut se réaliser dès la première année de la vie », souligne la spécialiste.
La stimulation vagale est une option de prise en charge palliative.
Les stimulations électriques à haute fréquence du noyau sous-thalamique sont encore marginales dans cette indication, même si c'est un domaine de recherche très actif.
L'avenir, pour la prise en charge des épilepsies, est sans aucun doute lié au développement de détecteurs de crises qui permettraient de prédire la survenue des crises. C'est une piste de recherche très attendue ; une équipe de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière y travaille.
L'arrivée de nouveaux antiépileptiques mieux tolérés est aussi très attendue.
Conférence de presse de la Ligue française contre l'épilepsie à laquelle ont participé le Pr Hervé Vespignani (Nancy), les Drs Pierre Thomas (neurologue-épileptologue, hôpital Pasteur, CHRU de Nice), Dominique Broglin (hôpital H.-Gastaut, Marseille), Alexis Arzimanouglou (hôpital Robert-Debré, Paris), secrétaire de la Société européenne de neurologie pédiatrique, Elisabeth Landre (hôpital Saint-Anne, Paris), Perrine Plouin (hôpital Saint-Vincent-de-Paul, Paris) et le Pr Bertrand de Toffol (CHU Bretonneau, Tours), coordinateur des 5es Journées françaises de l'épilepsie.
* JFE à Tours, centre des Congrès Vinci, du 10 au 13 novembre 2001. Inscription et hébergement : e-mail : courrier@vinci-conventions.com ; Web : http://www.vinci-conventions.com. Tél. 02.47.70.70.70. Fax 02.47.66.42.43.
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