Epigénétique : le cerveau aussi

Publié le 20/04/2011
1303314121248011_IMG_59257_HR.jpg

1303314121248011_IMG_59257_HR.jpg
Crédit photo : © PHANIE

Chaque cellule avec ses 2 mètres d’ADN est obligée pour se différencier d’éteindre de très nombreux gènes. Si le cerveau n’échappe pas à la règle, il reste l’organe qui exprime le plus de matériel génétique, près de 30 %, mais avec la particularité de le faire de façon très hétérogène d’un neurone à un autre. Ces cellules nerveuses fabriquent des câblages plus ou moins au hasard pour communiquer via les synapses. On saisit bien le rôle déterminant de l’épigenèse dans ces systèmes destinés à créer de la diversité.

Alors que la double hélice d’ADN est repliée, enroulée autour des histones et condensée sous forme de chromatine, il existe plusieurs niveaux de régulation. Ces mécanismes épigénétiques ont pour objectif de « découvrir » ou de « recouvrir » l’ADN pour qu’il puisse ou pas être lu et transcrit. Le plus connu est le remodelage de la chromatine par l’acétylation et la méthylation des histones à l’aide d’enzymes. Les groupes méthyls se fixent également à l’ADN lui-même et réduisent alors la transcription des gènes. Découverts depuis peu, certains histones « bizarres », les histones variants, semblent avoir un rôle particulier. Un autre moyen est d’agir sur les nucléosomes à l’aide de facteurs de remodelage, qui apportent de la flexibilité à la chromatine. De même, les micro-ARN exercent un contrôle épigénétique.

L’horloge circadienne est un bon exemple de coordination épigénétique. Les cycles physiologiques jour-nuit, en particulier le métabolisme, sont régulés par des protéines « horloge » selon le mécanisme de méthylation-acétylation de l’histone. Parmi ces protéines soumises à la régulation jour-nuit, les sirtuines présentent une piste intéressante pour traiter le diabète, l’obésité ou encore le vieillissement. Ces protéines, au nombre de 7 chez les mammifères, entretiennent des liens très étroits entre épigénétique et métabolisme. Il est bien établi chez l’animal que la restriction calorique est bénéfique pour la longévité. Alors que Sirt 1 modifie la conformation de la chromatine en enlevant des groupes acétyl, les souris mutées ne présentent aucun bénéfice à un régime calorique restrictif. Des agonistes spécifiques des sirtuines donnent déjà de bons résultats chez les rongeurs.

La santé mentale est soumise également à l’épigénétique. L’accumulation de plusieurs erreurs de régulation de l’expression génétique pourrait être à l’origine de certaines psychoses. Des défauts de transmission synaptique sont d’ailleurs identifiés dans des troubles autistiques. Dans un modèle murin de syndrome de Rett, une forme très rare d’autisme, Adrian Bird et son équipe ont constaté avec étonnement que les symptômes autistiques ont disparu en activant l’expression d’un gène normal mais resté silencieux jusque-là, le gène MeCP2.

Colloque Médecine et Recherche, « Épigénétique, cerveau et comportement », Fondation Ipsen.

 Dr IRÈNE DROGOU

Source : lequotidiendumedecin.fr