Douleur et raideur
Douleur et raideur: distinguer capsulopathie et tendinopathie.
Devant toute épaule douloureuse, un interrogatoire et un examen clinique soigneux s’imposent. «Il faut éviter toute escalade trop rapide vers l’imagerie, avertit le Pr Thomazeau, le diagnostic positif d’une épaule douloureuse est avant tout clinique. »
L’examen devra toujours commencer par l’étude de l’épaule saine, qui servira de référence. Ensuite, il faudra obligatoirement, dans un premier temps, tester les mobilités passives. Le test incontournable est la mesure de la rotation externe, coude au corps, en décubitus dorsal. Ce test permettra de mettre en évidence une éventuelle rétraction capsulaire dès que l’amplitude de l’épaule est diminuée d’au moins 50 % par rapport au côté opposé (par exemple 30° pour 60°).
Dans le cas d’une épaule douloureuse chronique, une capsulopathie sera fréquemment associée à une tendinopathie et la masquera. Poser, en premier lieu, le diagnostic de capsulopathie est donc capital pour pouvoir évaluer correctement une tendinopathie.
En effet, la douleur liée à cette capsulopathie rendra tous les autres tests faussement positifs, la mobilisation d’une capsule rétractée étant le plus souvent douloureuse, cette douleur augmentant avec l’amplitude du mouvement. «On voit trop souvent les patients adressés au chirurgien, avant même que n’ait été prise en compte la capsulopathie», déplore le Pr Thomazeau. Il faudra donc toujours commencer par traiter la capsulopathie afin de retrouver une épaule souple. Ensuite seulement, l’examen de l’épaule deviendra contributif. On pourra alors juger ou non de l’existence d’une tendinopathie et en évaluer l’importance.
La prise en charge de la capsulopathie comprendra un traitement antalgique, éventuellement une infiltration gléno-humérale sous amplificateur de brillance et une rééducation, qui trouve là son principal intérêt.
Celle-ci doit être complétée par des mouvements d’autorééducation destinés à réassouplir l’épaule.
La durée du traitement ne devra pas être inférieure à deux ou trois mois. Ce n’est que lorsque la raideur aura disparu, et s’il persiste des douleurs, que l’on pourra parler de tendinopathie. Il n’est pas rare que le simple traitement de cette raideur capsulaire suffise à faire disparaître les douleurs.
Douleur chronique
Douleur chronique d’épaule: reconnaître la tendinopathie non rompue.
Les douleurs tendineuses de l’épaule sont très fréquentes dans la population. Elles surviennent le plus souvent chez l’adulte à partir de 50 ans. Des formes plus précoces sont parfois observées dans les formes calcifiantes (femme de 40 ans), ou chez des patients exposés à un surmenage articulaire : il s’agit souvent de sportifs ou de personnes réalisant des mouvements répétitifs au-dessus du plan de l’épaule. Ces douleurs sont alors liées à une tendinopathie de la coiffe des rotateurs. Le muscle qui est le premier et le plus souvent atteint est le supraépineux. Son atteinte se manifeste par une douleur de l’épaule survenant entre 60 et 120° d’élévation, sur une épaule par ailleurs parfaitement souple. La mise en évidence de cet arc douloureux témoigne d’un conflit clinique entre le tendon de la coiffe des rotateurs et l’acromion : c’est le conflit sous-acromial ouImpingement Syndrome. Le patient a souvent appris de lui-même à éviter l’accrochage du tendon sur l’acromion ou le ligament acromio-coracoïdien en « abaissant » activement son humérus dès les premiers degrés de flexion ou le plus souvent encore en portant celui-ci en rotation externe (manoeuvre d’évitement). Le diagnostic sera appuyé par la disparition de ces douleurs lors de l’infiltration de procaïne dans la bourse sous-acromiale. Le patient ne présente par ailleurs aucun des signes de rupture que nous reverrons. Il s’agit alors du premier stade de la tendinopathie, dite tendinopathie non rompue.
Le traitement de cette tendinopathie fera appel à un traitement médical de trois à six mois au minimum : il comprendra un traitement antalgique simple, éventuellement complété par des infiltrations sous-acromiales de dérivés cortisoniques, une mise au repos, si elle est possible, et une rééducation d’entretien des amplitudes articulaires. Après échec de ce traitement conservateur (deux infiltrations au maximum), une endoscopie pourra être discutée et le patient sera dirigé vers le chirurgien orthopédiste.
Fatigabilité et faiblesse
Fatigabilité et faiblesse musculaire: reconnaître la tendinopathie rompue.
«Si la tendinopathie évolue depuis de nombreuses années, s’accompagnant d’une fatigabilité (pour faire les carreaux) ou d’une perte de force (pour verser de l’eau avec une bouteille de 1,5 l), ou si l’examen clinique permet d’objectiver une amyotrophie des fosses supra- et/ou infraépineuses (patient examiné debout, de dos et à jour frisant), on devra suspecter une rupture tendineuse», explique le Pr Thomazeau. La perte de force musculaire sera mise en évidence par la manoeuvre de Jobe, qui teste le supraépineux : elle est réalisée en position assise sur une épaule dont la souplesse passive a été préalablement vérifiée : le test sera positif en cas de faiblesse à l’élévation contrariée du bras à 90° d’abduction et à 30° d’antépulsion et cette faiblesse a d’autant plus de signification qu’elle est peu douloureuse. Dans le cas d’une tendinopathie non rompue, le test aura été douloureux, mais n’aura pas mis en évidence de déficit de force musculaire. Avec l’habitude, le généraliste peut apprendre à tester l’infraépineux (diminution de la force en rotation externe active coude au corps et à 90° d’abduction), ou le sous-scapulaire (possibilité pour l’examinateur de décoller la main du patient lorsqu’on lui demande de la maintenir fermement plaquée sur le ventre : « Belly-Press Test »).
La prise en charge initiale d’une tendinopathie rompue diffère peu de celle d’une tendinopathie non rompue : là encore, un traitement antalgique et une rééducation devront être entrepris. Ce n’est qu’après échec de ce même traitement conservateur que l’on pourra envisager une prise en charge chirurgicale. Le recours au spécialiste peut dans cette situation être plus précoce (trois mois), surtout si le patient est âgé de moins de 60 ans ou si l’examen oriente vers une rupture du sous-scapulaire dont l’atrophie est rapide.
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