Depuis quelques années, « le Quotidien du Médecin » réserve aux professionnels de santé de l'enfant un numéro spécial de pédiatrie, médecine spécifique de l'enfant et de l'adolescent de la naissance à 18 ans, incluant leur développement, leurs pathologies graves ou bénignes, congénitales ou acquises, aiguës ou chroniques, leur environnement sociofamilial et, finalement, leur avenir à l'âge adulte.
À côté des progrès techniques et thérapeutiques pouvant faire croire à tort que la santé de l'enfant ne pose pas de problème majeur, ce numéro spécial rappelle que celle-ci comporte de nombreuses facettes et que les difficultés d'apprentissages, les déséquilibres induits par un handicap, la précarité, les mutations de la famille et de la société nécessitent des interventions adaptées de professionnels coordonnés, assurant qualité, permanence et continuité des soins.
Tout a été dit dans de nombreux rapports sur la nécessité de structurer la politique de santé de l'enfant et de l'adolescent, tant sur le plan national qu'au niveau décentralisé. Quelques thématiques sont en effet concernées par des textes réglementaires, mais on peut s'interroger sur l'application réelle de ceux-ci et sur leur pérennité, en l'absence d'évaluation simultanée de la formation des professionnels, de la définition de leurs périmètres de missions et, surtout, d'une réelle réflexion des décideurs avec des professionnels de terrain, eux-mêmes encore trop souvent divisés.
Notre liberté d'action comporte des responsabilités à la fois individuelles et collectives ; nous demeurons motivés pour les assumer à condition qu'elles soient valorisées par une reconnaissance institutionnelle et politique dans le cadre d'un programme d'actions dépassant les effets d'annonce dans des situations d'urgence, dont les circonstances déclenchantes ont été méconnues ou non prévenues.
C'est dès le plus jeune âge que la surveillance et le dialogue du médecin avec l'enfant au sein de sa famille et de son environnement scolaire et sportif contribuent à l'harmonie de son développement. Cette relation de confiance qui peut, selon les circonstances, constituer le socle d'une véritable alliance (contre la maladie, par exemple), est le fruit d'une parfaite connaissance et d'une perception des besoins de l'enfant en le considérant comme un acteur auquel le discours est adapté selon son âge, sa maturité, son environnement. Les référentiels, les recommandations de bonnes pratiques, la « protocolisation » des soins (terme peu élégant), les arbres décisionnels, constituent une aide potentielle pour améliorer la qualité des soins et peut-être en limiter le coût ; mais ils risquent d'être appliqués selon le principe de précaution, ne stimulent pas la réflexion et constituent parfois un écran entre le médecin et le patient, au dépens du contact provoqué par l'examen clinique et le dialogue direct.
Dans le film d'animation américain « Wall-e », les survivants de la planète Terre, abandonnée car réduite à une déchetterie, sont réfugiés dans un vaisseau spatial sur lequel règnent des troupes de petits robots qui règlent tous les gestes de la vie quotidienne, hormis ceux nécessitant une réflexion inhabituelle. Devenus indifférenciés, obèses et ostéoporotiques, leur vie s'est vidée de son sens. L'intervention inattendue d'un robot extérieur doté d'un certain degré de compréhension réveille chez eux le besoin d'individualité, de communication et le souvenir des compétences acquises autrefois par l'expérience. En introduisant le dérèglement de certaines « procédures » Wall-e leur permet de retrouver la Terre et les souvenirs oubliés en les soustrayant à cet univers dont l'humanité est exclue.
On ne peut s'empêcher d'établir un rapprochement avec un travail américain récemment publié (1) sur l'évaluation de la qualité des soins pédiatriques ambulatoires. Fondé sur 5 à 18 indicateurs dans 12 situations, il conclut à un score de qualité médiocre, sans jamais faire référence aux acteurs dont les modalités d'action sont peut-être plus ou moins robotisées ; répondent-elles alors aux besoins d'information et de compréhension des parents et de leurs enfants ?
Mettre en œuvre des compétences sans cesse remises à jour, écouter, savoir dire, protéger, guider et accompagner à tout âge, dans tout type de situations sanitaires, psychologiques et sociofamiliales : voilà les objectifs des spécialistes de l'enfance et de l'adolescence. C'est à cette image humaine de la pédiatrie qu'il convient de croire encore.
Past-Présidente de la Société française de pédiatrie, Nancy.
(1) Mangione-Smith R, DeCristofaro AH, Setodji CM et coll. The quality of ambulatory care delivered to children in the United States. N Engl J Med 2007, 357:1515-23.
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