La loi sur la présomption d'innocence va être changée par le Parlement pour tenir compte du rapport rédigé par le député socialiste Julien Dray, à la demande de Lionel Jospin.
Adoptée en juin 2000, la loi a été rendue responsable par les juges, et surtout par les policiers, de plusieurs remises en liberté hâtives de dangereux criminels. Face à l'émotion populaire, le gouvernement s'est dépêché de trouver un remède. Le choix de Julien Dray, spécialiste des banlieues, était bon. Il ne risquait pas de tomber dans un excès sécuritaire ou, à l'inverse, libéral.
Mais le fait que la mise en vigueur de la loi, appliquée seulement à partir du 1er janvier de l'année dernière, n'ait duré que dix mois, révèle la difficulté de légiférer et montre que les meilleures intentions conduisent parfois à de mauvais résultats.
Car comment contester les avantages et l'importance de la présomption d'innocence ? Il n'est pas de pire injustice que l'erreur judiciaire. L'histoire des deux dernières décennies est jalonnée de cas déplorables d'hommes ou de femmes salis par le soupçon alors qu'ils n'avaient commis aucun délit. A une accusation, la presse donne un écho assourdissant que la relaxe ou le non-lieu, qui interviennent des mois ou des années plus tard, ne réparent pas. Plusieurs ministres, dont Gérard Longuet à droite et Dominique Strauss-Kahn à gauche (ou encore, parmi les personnalités politiques, Robert Hue, accusé à tort), ont été mis en examen puis totalement blanchis par la justice. Mais entretemps, elle avait mis un terme ou au moins interrompu leur carrière politique.
Cependant, si la justice s'est trop concentrée sur les cas célèbres, elle n'a pas pour tâche d'exercer une indulgence extrême à l'égard des crimes de sang. Pendant que des juges d'instruction caracolaient sur des scandales politiques, parfois à raison, parfois à tort, d'autres juges mettaient en liberté des assassins. M. Dray a cherché à éviter tous ces écueils. Pour ce que l'on en sait, il suggère de simplifier certaines procédures, notamment celle de la garde à vue, et de placer automatiquement en détention les récidivistes, y compris dans la petite délinquance.
Lionel Jospin a tranché : la loi sur la présomption d'innocence va être modifiée dans un sens un peu plus sécuritaire par une proposition de loi qui sera discutée au Parlement.
Le gouvernement a-t-il le temps de mener à bien cette réforme de la réforme avant les élections ? Son nouveau projet ne sera-t-il pas attaqué par l'opposition ? Les conséquences politiques du va-et-vient du gouvernement sont moins graves que l'impression qu'il donne de son indécision, de son impréparation - même aux projets les plus importants -, et de sa sensibilité excessive aux mouvements d'humeur de l'opinion. Comme pour les revendications catégorielles qu'il a satisfaites à la hâte et de façon répétitive à la fin de l'année dernière, il a toujours un temps de retard et, si gouverner, c'est prévoir, il ne prévoit pas, donc ne gouverne pas.
La justice mérite une vaste réforme de fond, pas une réhabilitation pan par pan, suivie d'un rafistolage. Comme pour la réponse législative à l'arrêt Perruche, M. Jospin, guidé en toute chose par son souci social, n'a pas vu en 2000 que la grande affaire de 2001, ce n'était pas le renforcement de la présomption d'innocence, pourtant indispensable, mais l'insécurité des Français, laquelle est en train de se transformer en drame national.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature