LES BAINS PUBLICS ou privés illustrent le raffinement des sociétés antiques : déjà prisés des Grecs et de nombreuses autres civilisations, ils font l’objet de nombreux perfectionnements à l’époque romaine. Les thermes associent une succession de bassins de températures différentes à des installations sportives et à des salles de massage ou de repos. Les salles et les bassins sont chauffés par le sol et leur splendeur illustre la richesse de leurs fondateurs, publics ou privés. Toute ville romaine digne de ce nom possède ses thermes, alimentés par des aqueducs qui vont parfois chercher très loin l’eau nécessaire à leur fonctionnement. Les thermes les plus somptueux se trouvent bien sûr à Rome, et les plus grands, comme ceux de Caracalla puis de Dioclétien, peuvent accueillir plusieurs milliers de personnes à la fois. Aller aux thermes est un rituel social, et il est courant d’y traiter ses affaires professionnelles. La tradition du bain romain a survécu à la chute de l’Empire, notamment grâce aux Ottomans, qui en reprirent les techniques et les transmirent, à leur tour, à une grande partie de l’Europe.
Le Moyen Age occidental aimait les « étuves », bains chauds dont la fonction était aussi bien hygiénique que sociale. Mais les étuves, de même que les tavernes, se confondaient souvent avec des maisons de passe et la promiscuité qui les caractérisait en faisait des lieux peu fréquentables, bien que très fréquentés. Régulièrement, des étuves sont fermées par les villes en raison de la « débauche » qui y règne, mais c’est l’apparition de la peste, à partir du XVe siècle, qui signe leur arrêt de mort. Petit à petit, l’eau dans laquelle on s’ébattait ou se prélassait est perçue comme un élément hostile et dangereux, susceptible d’infecter les baigneurs : l’idée de la «perméabilité» de la peau impose de se tenir loin de l’eau, qui, de plus, «ramollit» le corps et en aggrave les «béances».
Cette crainte du bain va se maintenir pendant plus de trois siècles. Comme l’a montré l’historien Georges Vigarello, spécialiste des pratiques corporelles et hygiéniques, le bain n’est plus administré que lors de rares occasions, souvent à des fins thérapeutiques et sous contrôle médical. On préfère se frotter et se nettoyer le corps, ou tout au moins le visage et les mains, à l’aide de linges, humides ou non. Certains médecins estiment même que se laver le visage à l’eau peut entraîner des maladies oculaires. Au XVIIe siècle encore, on change rarement de vêtements et les parfums, dont on s’asperge, font office d’hygiène corporelle... avant que le XVIIIe ne commence, timidement, à redécouvrir le plaisir et l’art du bain.
Alors qu’aucun château ou palais construit avant 1750 ne dispose de salle ou d’équipement de bains, ils apparaissent peu avant la Révolution dans les édifices les plus luxueux. Le bain devient un plaisir aristocratique, un rien libertin, et ne se popularise que très lentement. Autour de 1820, rares sont les immeubles dotés de telles installations, mais l’on observe une augmentation sensible du nombre de bains publics, d’abord destinés à une clientèle bourgeoise.
Le Second Empire, stimulé par les travaux des hygiénistes, multiplie le nombre des bains publics, tout en améliorant la distribution de l’eau et l’évacuation des eaux usées, avant tout pour des raisons d’hygiène. Petit à petit, la notion de propreté par l’eau se généralise, et les salles de bains se multiplient dans les constructions neuves, surtout après 1880. Celles qui ne peuvent en être dotées, pour des raisons de place et de coût, optent pour les douches, désormais fréquentes dans les écoles et les casernes.
La salle de bains individuelle restera toutefois un luxe pendant une grande partie du XXe siècle, et ne se généralisera vraiment qu’après la dernière guerre.
Vertus médicales.
A côté du bain public, le bain médicinal offre une autre manière spécifique de se baigner, qui connaît une renaissance au XIXe siècle. Les villes thermales, qui se présentent souvent comme les héritières de fondations gallo-romaines, se dotent à cette époque d’installations de cure, parées de vertus médicales plus ou moins exactes. Elles attirent une clientèle avide de bains et de santé, mais aussi de contacts et de rencontres. Les médecins jouent un grand rôle dans leur promotion, tant pour étudier et faire connaître leur intérêt thérapeutique que pour organiser le déroulement des cures. Certains praticiens mènent ces tâches avec sérieux tandis que d’autres, à l’image des personnages de « Mont-Oriol », roman satirique de Maupassant, y voient d’abord le moyen de faire fructifier leurs affaires. Les grandes stations thermales relancent la tradition des bains romains tout en la modernisant. Napoléon III prend régulièrement les eaux à Plombières, et contribue à la fortune de cette station des Vosges, dont la renommée égale alors celle de Vichy ou d’Aix. L’Europe couronnée se retrouve aussi à Baden-Baden et à Karlsbad, en Bohême. Si bien des stations ont périclité au XXe siècle, les plus prestigieuses d’entre elles ont su à la fois préserver leur patrimoine et adapter leur offre pour perpétuer, aujourd’hui encore, cette riche tradition des eaux et des bains médicinaux.
> DENIS DURAND DE BOUSINGEN
Une pièce dans chaque foyer
Les baignoires meubles déguisées en méridienne ou en sofa et la baignoire sabot font leur apparition au XVIIIe siècle. Venu d’Angleterre, le tub, composé d’un bac circulaire à large rebord, plus maniable, devient l’objet fétiche de la fin du XIXe siècle, célébré par les peintres de la nudité, Degas, Vuillard et Bonnard.
Lors de l’exposition d’hygiène de 1900, les Américains présentent un modèle de salle de bains qui fait scandale. Surnommé le « laboratoire de propreté », il se présente comme une salle blanche, nette, carrelée où les sanitaires et les accessoires s’affichent dans leur fonctionnalité (toute la plomberie est regroupée), dépouillée de toute prétention artistique. En dépit des critiques, le modèle sera celui de la salle de bains moderne qui équipera d’abord les intérieurs bourgeois puis l’habitat populaire : 10 % des logements en 1954, 65 % en 1973 et plus de 98 % aujourd’hui. Cependant, depuis une dizaine d’années, on transforme cet espace exigu et froid en un lieu de vie. La salle d’eau, symbole du renouveau du souci de soi et du culte du corps, s’agrandit, s’aménage selon des tendances inspirées des hammams marocains, des spas ou de l’esthétisme japonais et s’épanouit même, quelquefois, en une balnéothérapie.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature