MÉDECINS prescripteurs, auxiliaires exécutants. Ainsi s’est longtemps organisé le petit monde des professionnels de santé mais les choses changent, en particulier ces toutes dernières années où différentes forces se sont conjuguées pour rendre le modèle plus complexe.
• Des professions de plus en plus structurées.
Philippe Tisserand, président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI) parle de « maturité » et évoque notamment l’apparition de nouveaux Ordres professionnels – celui des infirmiers, bien sûr, mais aussi celui des kinés. Dotées des mêmes instances (syndicales, ordinales…), médecins et non médecins peuvent faire institutionnellement jeu plus équilibré.
• La démographie pousse à la coordination.
La démographie médicale est en berne ; celle des sages-femmes, des infirmiers… aussi. Les trous de la profession poussent à la coordination. Il y a les transferts de tâches (plus rarement de compétences), certaines professions médicales (comme les sages-femmes) ou paramédicales (comme les kinés) obtiennent au fil de l’eau des droits de prescription limités, les pharmaciens ont des possibilités de renouvellement d’ordonnances. « Des barrières tombent, une dynamique est en marche, commente Alain Bergeau qui préside la FFMKR (Fédération française des masseurs kinésithérapeutes rééducateurs). Au CNPS, nous avons des dialogues et observons des réactions qui n’auraient pas été concevables il y a quelques années. »
Les maisons de santé pluridisciplinaires sont une autre conséquence du déficit de professionnels. Elles peuvent être un lieu d’échange privilégié entre professionnels mais certains d’entre eux s’inquiètent. « Dans une maison de santé, peut s’installer très vite un cadre de subordination. Avec des médecins libéraux patrons d’équipes pluridisciplinaires salariées », explique Philippe Tisserand (infirmiers) qui se refuse absolument à « arroser la petite plante verte dans le cabinet du médecin ».
• L’union pour concurrencer l’hôpital.
« Notre challenge aujourd’hui, explique Gilles Bonnefond, président délégué de l’USPO (Union des syndicats de pharmaciens d’officine) , c’est notre capacité à nous coordonner et à offrir une lisibilité pour la prise en charge de patients complexes qui sinon, échapperont à la ville pour aller à l’hôpital. L’heure n’est plus aux chamailleries, il faut dépasser la perception de " grignotage " qu’ont certains. »
• Le partage des données de santé.
Attention, sujet sensible. Les non médicaux constatent à mi-voix que si le Dossier médical personnel (DMP) a tellement de mal à se mettre en place en France, c’est que les médecins sont assez « réticents à partager leurs données ». L’ingérence d’autres professionnels de santé ou des associations d’usagers dans le colloque singulier a du mal à passer. Le mouvement, toutefois, est lancé et devrait conduire l’ensemble du monde de la santé à travailler et coopérer différemment.
• L’harmonie libérale.
Bien plus que l’hôpital, le secteur libéral représente pour les « autres » professions de santé un espace dans lequel elles peuvent jouer un autre rôle vis-à-vis des médecins que celui d’ « exécutant dévoué ». « S’installer en ville, ça veut dire " indépendance professionnelle " et ça veut dire " pas de liens de subordination ", insiste Philippe Tisserand. Nous y entretenons avec les médecins des relations de confiance, d’adulte à adulte. Nous y avons les mêmes patients, chacun dans son champ de compétence, chacun avec sa responsabilité. »
• Les études : des liens par la racine.
La L1 santé est sur les rails (« le Quotidien » du 25 juin). Elle implique entre autres qu’à compter de la rentrée 2010, médecins, pharmaciens, chirurgiens-dentistes et sages-femmes seront liés par leur première année d’étude, ils auront un creuset commun même s’il se trouve des professionnels pour juger que le PCEM1 n’était pas forcément ce par quoi il fallait commencer. Gilles Bonnefond (pharmaciens), par exemple, milite pour des « formations communes (sur la prise en charge des diabétiques ou des malades cardio-vasculaires, par exemple) » en 4e ou en 5e année.
(1) Sont représentés au CNPS : les médecins, les dentistes, les infirmiers, les kinés, les sages-femmes, les audio-prothésistes, les orthophonistes, les podologues, les pharmaciens, les biologistes, les orthoptistes, les vétérinaires.
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