Le tableau des nouveaux risques microbiens et épidémiques dressé lors de la journée du Club d'infectiologie en anesthésie-réanimation n'est guère réjouissant. Quelques données suggèrent toutefois qu'un certain espoir est permis pour les années à venir : le recul des Staphylococcus aureus résistants à la méticilline en France, même si la situation y reste problématique, et l'efficacité de la mise en oeuvre rapide des mesures de contrôle des épidémies à entérocoques résistants à la vancomycine et à Clostridium difficile 027.
LE PAYSAGE des risques microbiens et épidémiques s'est modifié de façon significative au cours des dernières années. C'est le cas pour trois bactéries en cause dans plus de 50 % des bactériémies dans les services de réanimation : Staphylococcus aureus, les entérobactéries et Pseudomonas aeruginosa.
L'analyse des données 2002–2006 de l'European Antimicrobial Surveillance System montrent que la prévalence des souches de S.aureus résistantes à la méticilline (SARM) augmente en Europe, sauf en France, un des rares pays du continent où elle diminue, tout en restant supérieure à 25 %. Un recul conforté par les données du CCLIN Paris–Nord : à l'AP–HP, leur incidence est passée en dix ans de 1,16/1 000 jours d'hospitalisation (1996) à 0,67. Une stabilité des chiffres a cependant été notée entre 2006 et 2007.
Plus préoccupante est l'émergence de SARM « communautaires » responsables d'épidémies dans les collectivités. Ces SARM sont particulièrement virulents du fait notamment de la toxine de Panton–Valentine. Ils entraînent des infections graves (cutanées, pneumonies nécrosantes), qui peuvent nécessiter une prise en charge hospitalière, parfois en réanimation. Un autre phénomène signalé dans certains pays notamment en Afrique du Nord mérite d'être suivi : l'émergence de SARM résistants aux fluoroquinolones.
L'évolution épidémiologique des entérobactéries productrices de bêtalactamases à spectre étendu (BLSE) suscite, elle aussi, une inquiétude croissante.
Les colibacilles sont devenus la plus fréquente des bactéries multirésistantes (BMR) productrices de BLSE. Ils ont aussi supplanté les klebsielles comme hôte des CTX–M, nouveaux types de BLSE conférant une résistance à toutes les bêtalactamines à l'exception des carbapénèmes et des céphamycines. On voit par ailleurs apparaître des oxacillinases qui hydrolysent les carbapénèmes.
Les souches de Escherichia coli BLSE sont impliquées dans des infections urinaires préférentiellement d'origine communautaire. Et ces souches communautaires commencent à arriver à l'hôpital. En ce qui concerne le pyocyanique, l'enquête transréseau 2007 de l'ONERBA montre que les souches productrices de BLSE sont rares, mais qu'elles sont toutes observées lors des épidémies.
Sur ces nouveaux risques microbiens, la conclusion du Dr Yves Péan laisse peu de place à l'optimisme : « Dans l'hypothèse où aucune molécule ne viendrait à être commercialisée dans un prochain avenir, il va falloir apprendre à vivre au quotidien avec la résistance bactérienne. »
Gestion et anticipation.
Le Pr Jean–Christophe Lucet souligne, pour sa part, le changement de la gestion des BMR survenu en vingt ans. Dans les années 1970-1980, le SARM était considéré comme « une fatalité ». Les années 1990 ont été celles de l'endiguement des situations endémiques – SARM – et épidémiques – BLSE. Depuis 2000, « on commence à se poser des questions sur la gestion des événements émergents ». Ces phénomènes concernent en particulier les entérocoques résistants à la vancomycine (ERV) et Clostridium difficile 027.
Pour les ERV, l'enjeu est triple. Si ces souches résistantes ont un potentiel pathogénique faible, l'absence de réaction immédiate peut avoir des conséquences graves, comme en témoigne l'expérience américaine.
Apparus à la fin des années 1990 aux États-Unis, les ERV ont en effet rapidement atteint une proportion de l'ordre de 30 % ; une évolution attribuée à la diffusion trop tardive des recommandations, réalisée dix ans seulement après les premiers signalements. En France, la réactivité face aux épidémies a été plus rapide et, grâce à la mise en oeuvre de mesures lourdes, la situation est en phase d'amélioration. Reste à savoir – autre enjeu – si, contrairement au SARM, notre pays sera capable de maîtriser cette situation épidémique émergente. Le dernier enjeu des ERV est celui du risque de transfert du gène vanA de résistance à la vancomycine vers les SARM. À ce jour, moins de dix cas ont été décrits.
Pour Clostridium difficile – première cause de diarrhées postantibiotiques –, la nouveauté est l'arrivée de la souche 027 en provenance du Canada. Cette souche virulente se caractérise par sa capacité à contaminer l'environnement et par la résistance de ses spores aux solutions hydroalcooliques. En 2006, elle a été à l'origine dans le Nord – Pas-de-Calais d'une épidémie là encore rapidement contrôlée par la mise en place d'une stratégie régionale.
Contre ces bactéries émergentes, la coordination de la gestion à la fois locale et régionale est essentielle. Le Pr Lucet réaffirme que « le bon usage des antibiotiques et l'hygiène des mains sont déterminants pour limiter l'émergence des nouvelles résistances et faciliter leur contrôle ».
D'après les communications du Dr Yves Péan (institut mutualiste Montsouris, Paris) et du Pr Jean–Christophe Lucet (hôpital Bichat - Claude-Bernard, Paris).
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