DE NOTRE CORRESPONDANTE
«CES RÉSULTATS nous enthousiasment car depuis que le lien entre BRCA1 et le cancer du sein a été établi, il y a plus de dix ans, nous avons été frustrés par notre manque de compréhension du mécanisme par lequel ces mutations causent le cancer du sein», explique dans un communiqué le Pr Ramon Parsons, de la Columbia University à New York, qui a codirigé ce travail avec le Pr Ake Borg, de l'université de Lund en Suède. «Nous étions coincés par le peu de moyens pour traiter ces cancers associés à un très mauvais pronostic. Maintenant que nous savons que le gène PTEN est impliqué, nous disposons enfin d'une cible thérapeutique.»
«Nos résultats désignent le gène PTEN comme un acteur majeur dans le cancer du sein de type basal, tant héréditaire que sporadique; une découverte qui pourrait être exploitée pour développer de nouvelles stratégies afin d'améliorer le pronostic de ces tumeurs agressives», ajoute pour sa part le Dr Lao Saal (Columbia University), premier signataire de ce travail publié dans « Nature Genetics ».
On sait que les femmes qui héritent d'une mutation du gène BRCA1 (Breast Cancer Susceptibility Gene 1) ont un risque de 60 à 80 % de développer un cancer du sein au cours de leur vie, souvent avant la ménopause. Ces cancers sont presque toujours de type basal, l'une des formes les plus agressives du cancer du sein ; il exprime rarement les trois talons d'Achille du cancer du sein qui sont ciblés par les thérapies, à savoir le récepteur estrogène, le récepteur progestérone et le récepteur HER2. Dans ce contexte, de nombreuses femmes porteuses de mutations BRCA1 optent pour une mastectomie prophylactique, indiquent les auteurs américains.
Si le gène BRCA1 encode une enzyme qui intervient dans la réparation des cassures d'ADN double brin, on ignorait quels étaient les mécanismes en aval qui déclenchaient le cancer.
Le cancer du sein de type basal peut être également sporadique et représente 20 % des cancers du sein. L'équipe du Pr Parsons est connue pour ses travaux sur le gène PTEN. En 1997, elle identifiait, avec un autre groupe indépendant, le gène PTEN comme un gène tumeur-suppresseur, muté dans les cancers du sein, du cerveau et de la prostate. PTEN est maintenant reconnu pour être muté dans environ 30 % des cancers, ce qui en fait le second gène le plus souvent muté dans le cancer, après le gène p53.
On sait que l'inactivation du gène PTEN envoie un puissant signal (PI3K) qui favorise la transformation, la prolifération et la migration des cellules, ainsi que l'angiogenèse et l'instabilité génomique.
Dans leur travail publié dans « Nature Genetics », Saal et coll. ont découvert que l'inactivation hétérologue du gène PTEN chez des souris aboutit à la formation de tumeurs mammaires de type basal.
En examinant des échantillons humains, ils ont constaté que la perte d'expression PTEN est souvent trouvée dans le sous-type basal du cancer du sein, aussi bien dans la forme héréditaire associée à BRCA1 que dans la forme sporadique. Enfin, en examinant des tumeurs déficientes en BRCA1 (n = 34), les chercheurs ont pu identifier des cassures chromosomiques au sein du gène PTEN ou d'autres mutations grossières de ce gène (inversions, délétions et anomalies du nombre de copies).
Ces mutations grossières du gène PTEN sont dues à l'absence de BRCA1 dans les tumeurs. «Lorsque BRCA1 est muté, cette enzyme n'est plus présente dans la cellule. Si une cassure survient dans le gène PTEN, la cellule ne peut donc pas la réparer. Lorsque PTEN est muté, une voie est activée qui signale à la cellule de proliférer, de ne pas mourir», explique Parsons. La cellule présente alors un avantage de croissance par rapport à ses voisines et débute son chemin vers le cancer.
Des essais cliniques de phase I.
Le Pr Parsons estime qu'environ 50 % des cancers du sein BRCA1 se révéleront héberger une mutation PTEN. L'inhibition de n'importe quelle protéine dans la voie PTEN-PI3K pourrait potentiellement arrêter la croissance de ce cancer. Or des traitements expérimentaux visant à inhiber des protéines de la voie PTEN sont déjà en essais cliniques de phase 1.
«Ces résultats constituent un exemple de conséquence oncogénique récurrente et spécifique de l'anomalie de réparation d'ADN due à BRCA1 et fournissent un éclaircissement sur la pathogenèse du cancer du sein de type basal, avec des implications thérapeutiques», concluent les chercheurs.
« Nature Genetics », 9 décembre 2007, Saal et coll., DOI : 10.1038/ng.2007.39.
Des gènes cassés en deux
«Ces formes de mutations qui cassent en deux les gènes tumeur-suppresseurs pourraient être fréquentes dans de nombreux types de cancers, en particulier ceux liés à des déficits dans les voies de réparation d'ADN similaires à BRCA1», fait entrevoir le Dr Saal. Une recherche systématique des réarrangements grossiers des gènes est donc préconisée dans ces tumeurs.
«Une recherche similaire est en cours dans les tumeurs des femmes portant des mutations germinales de BRCA2, l'autre gène majeur de susceptibilité au cancer du sein», ajoute le Pr Borg.
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