CONGRES HEBDO
L'entorse de cheville n'est pas toujours aussi banale qu'on le pense généralement. L'important pour tout clinicien qui prend en charge une entorse de cheville est d'évaluer correctement sa gravité. Dans tous les cas, il faut établir avec précision l'importance des lésions : il peut s'agir d'une simple élongation d'un faisceau ou d'une partie d'un faisceau mais aussi d'une rupture qui peut être limitée à 1 ou 2 faisceaux, l'antérieur en général, mais aussi concerner la totalité du ligament. La lésion la plus fréquente est la rupture partielle ou totale du faisceau antérieur du LLE. Lorsque les faisceaux antérieur et moyen sont lésés dans le même temps, on peut parler d'entorse grave. La rupture du faisceau postérieur ne se voit jamais à l'état isolé, elle est toujours précédée par la rupture de la capsule antérieure et des faisceaux antérieur et moyen du LLE. C'est une entorse très grave mais qui se caractérise par sa grande rareté.
Chez l'adolescent, tout particulièrement, la prise en charge d'une entorse de la cheville doit chercher à obtenir une cicatrisation parfaite et doit donc bénéficier d'un traitement rigoureux cherchant à éviter toute séquelle et notamment tout risque de récidive.
Cette prise en charge est fondée sur la prescription d'antalgiques qui doit être pratiquement systématique lors de la phase initiale et sur une immobilisation réelle de la cheville qui constitue la principale mesure thérapeutique chez un enfant et chez un jeune adolescent. Cette immobilisation doit être d'une durée minimale de vingt et un jours mais elle peut être prolongée pendant une durée totale de six semaines en cas d'entorse grave.
Un examen clinique programmé
Le diagnostic de gravité d'une entorse de cheville est avant tout clinique. Il repose sur l'interrogatoire et l'examen du patient. L'interrogatoire recherche des signes évocateurs d'une rupture ligamentaire : douleur syncopale de l'entorse, sensation de déchirure ou d'arrachement... L'examen clinique doit être complet et rigoureusement programmé. Il comporte la mise en tension de chaque faisceau ligamentaire associée à la contraction résistée de chacun des muscles moteurs de la cheville et du pied et à la palpation de chacune des structures accessibles aux doigts : os, ligaments et tendons.
Effectuer un bilan radiographique n'est pas obligatoire si l'on se réfère aux critères d'Ottawa qui précisent bien les conditions dans lesquelles on peut se passer de faire des clichés. Ces critères sont à la fois fonctionnels et cliniques. Sur le plan fonctionnel, les clichés ne sont pas obligatoires si le patient peut effectuer quatre appuis consécutifs lorsqu'il est vu en consultation. Sur le plan clinique, les clichés ne sont pas obligatoires si la palpation de la partie postérieure des deux malléoles n'est pas douloureuse lorsqu'on effectue cette palpation depuis 6 cm au-dessus de la pointe de la malléole jusqu'à son extrémité distale.
Cette palpation doit être effectuée aussi bien au niveau de la malléole externe que de la malléole interne.
A l'heure actuelle, l'imagerie d'un entorse de cheville a pris une nouvelle dimension grâce à l'apport de l'échographie. L'exploration échographique des ligaments permet en effet une remarquable analyse de la nature exacte des lésions en précisant s'il s'agit d'une lésion en plein corps (qui peut être partielle ou totale) ou d'une désinsertion ligamentaire ou de l'arrachement d'une petite pastille osseuse. Toutefois, le problème posé par l'échographie est qu'il s'agit d'un examen dépendant de la qualité de la machine, mais aussi comme l'examen clinique, de la qualité du praticien.
De trois à six semaines d'immobilisation
Chez l'enfant et chez le jeune adolescent, la prise en charge thérapeutique d'une entorse de cheville doit conduire à une cicatrisation d'excellente qualité. De ce fait, l'immobilisation est une nécessité et sa durée doit être prolongée. Alors que, chez l'adulte, la stratégie thérapeutique s'oriente actuellement vers l'utilisation d'orthèse de cheville pendant une durée relativement brève. Chez le jeune, on fait volontiers appel à une immobilisation plâtrée ou résinée, rigide ou semi-rigide, s'étendant de la racine des orteils jusqu'à la partie supérieure de la jambe.
Dans les entorses de moyenne gravité avec rupture totale du seul faisceau antérieur, la durée habituelle de l'immobilisation est de vingt et un jours. L'appui n'est autorisé qu'à partir du moment où il n'est plus douloureux. Dans les entorses graves, avec rupture des faisceaux antérieur et moyen, l'immobilisation doit être de six semaines. Dans la plupart des cas, on utilise une immobilisation rigide pendant tout ce laps de temps. Dans certains cas, on peut utiliser un protocole un peu différent : une immobilisation rigide pendant trois semaines relayée ensuite par le port d'une orthèse de cheville pendant trois semaines.
A l'heure actuelle, les indications de réparation chirurgicale sont devenues exceptionnelles. Seule la présence sur les clichés d'un fragment osseux arraché et interposé dans l'interligne articulaire justifie d'un traitement chirurgical qui permettra à la fois d'extraire ce fragment et de réparer le ligament.
Le traitement médicamenteux des entorses de cheville est avant tout fondé sur la prescription d'antalgiques qui sont nécessaires pendant les quatre ou cinq premiers jours. Chez les adolescents, les anti-inflammatoires sont d'utilisation controversée à ce stade d'évolution ; ils peuvent toutefois être utiles en cas de réaction inflammatoire posttraumatique importante mais uniquement pendant une durée brève (quatre ou cinq jours). La préférence va généralement à des mesures simples : mise en déclive du membre inférieur pendant le repos, application régulière de glace, application intermittente de topique qui permettront de réduire rapidement les phénomènes inflammatoires et autoriseront la confection d'une contention rigide.
D'après un entretien avec le Pr Jacques Rodineau, Paris.
Une pathologie rare chez l'enfant
Les entorses de la cheville peuvent s'observer à tous les âges de la vie. Toutefois, chez les jeunes enfants, elles sont exceptionnelles et il faut toujours se méfier de ce diagnostic qui peut masquer une fracture-décollement épiphysaire du péroné ou même du tibia.
Chez les sujets de plus de 50 ou 55 ans, il faut également prendre conscience qu'environ 25 % des patients qui présentent un tableau d'entorse de la cheville à la suite d'un traumatisme en inversion ont en fait une fracture qui peut porter aussi bien sur une des deux malléoles que sur l'astragale ou même le calcanéum.
En revanche, chez les adolescents et les adultes jeunes, la fréquence des fractures dans les traumatismes en inversion ne dépasse pas 4-5 % des cas.
Le corollaire de ces notions est qu'il faut réserver l'utilisation des règles d'Ottawa à des sujets de plus de 15 ans et de moins de 50-55 ans.
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