« Mensonges freudiens, histoire d'une désinformation séculaire » : appuyant son argumentation sur 733 références, l'ouvrage de Jacques Bénesteau pourrait s'apparenter à une thèse. Le talent narratif et l'humour de son auteur sont tels que sa lecture est agréable. Dès le troisième chapitre, le lecteur est captivé par l'évolution du propos et comprend les raisons pour lesquelles le livre a été couronné d'un Premier Prix à l'unanimité par la Société française d'histoire de la médecine en 2002 (année où cette honorable institution fêtait son centenaire).
Jacques Bénesteau a accompli un travail de titan en conduisant son enquête historique, seul moyen capable de démonter les mécanismes de la désinformation qui a prévalu et prévaut toujours, selon lui, pour véhiculer chez les tenants de la cause freudienne la légende de l'inventeur de l'inconscient.
Le travail n'était pourtant pas facile. Si les premiers psychanalystes ont échangé un nombre très élevé de lettres et de documents, ils ne sont pas pour autant accessibles à l'historien. Beaucoup ont été détruits, et le reste des archives de Freud, conservés à la Bibliothèque du Congrès à Washington, sont sous un sévère embargo. Certaines lettres sont interdites jusqu'en 2113 !
Quels secrets contiennent-elles ? La chape de plomb a heureusement des fuites et quelques prédécesseurs ont eu un accès temporaire aux documents (des auteurs anglo-saxons notamment, tels Roazen, Ellenberg ou Sulloway).
Très tôt, Freud a voulu voir des origines sexuelles à des troubles qu'il classait un peu vite comme hystériques. Mais le traumatisme sexuel de la petite enfance, tel qu'il était invoqué, était rapidement battu en brèche par les affirmations des patients. La théorie se verrouille alors : le refoulement permet d'expliquer l'absence de souvenir et l'agression n'a pas forcément eu lieu. Son désir inconscient culpabilisé et nié est à même de la remplacer.
Dès lors, point de salut, le mécanisme implacable se met en place, affirme J. Bénesteau : si le malade ne savait pas pourquoi il souffrait, le psychanalyste, lui, le savait et allait le lui faire retrouver avec toutes les techniques possibles, parmi lesquelles les hypnotiques et la cocaïne dont le « père fondateur » abuse largement. Y compris aussi par les hurlements de Freud, qui s'avouait parfois aphone après les séances. Si le malade veut s'échapper, le phénomène de résistance vient à point pour le ramener à la raison psychanalytique et sur le divan du thérapeute. Les scientifiques contradicteurs de la méthode psychanalytique eux-mêmes sont déclarés névrosés.
Pas un seul malade n'a été guéri par la méthode freudienne, affirment les exégètes de Freud. Quant aux cas célèbres des « Cinq Psychanalyses », qui sont censés donner un appui scientifique à la méthode, elles se révèlent également des impostures, assure le psychologue. Dora ne sera sauvée de son « hystérie » que par la chirurgie (pour infections génitales). Le Petit Hans, « modèle de perversité » pour un complexe d'dipe et déclaré guéri, n'aura été vu par Freud que quelques instants et une fois seulement. La relation officielle du cas de l'Homme aux rats et les notes de Freud comportent tant de divergences qu'il ne peut être crédité ; de toute façon, il ne sera pas guéri. L'Homme aux Loups a battu les records de longévité analytique, avec une psychanalyse qui a duré soixante-dix ans et s'est terminée à son décès. Le président Schreber a été déclaré homosexuel et paranoïaque, mais aucun document biographique de cet homme n'a permis par la suite de confirmer ces traits.
L'ouvrage de Jacques Bénesteau incite à rechercher des études de la psychologie humaine placées sur le terrain de la validation expérimentale.
Editions Pierre Mardaga, 400 pages.
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