COUP DUR pour les ostréiculteurs du bassin d’Arcachon. A la suite de tests biologiques chez la souris, suggérant la présence de toxines (voir encadré), leurs huîtres ont été interdites à la consommation. Puis deux décès survenus les 3 et 5 septembre à l’hôpital de la ville ont ajouté à la suspicion.
Pour les autorités sanitaires, c’est bien sûr le principe de précaution qui prévaut. Et parce qu’il faut agir très vite, un dispositif d’enquête a été lancé dès le 7 septembre.
Les deux personnes, une femme de 77 ans et un homme de 61 ans, présentaient des tableaux cliniques relativement similaires, explique au « Quotidien » le Pr Gilles Brücker : des troubles digestifs, des vomissements, une diarrhée, une hypothermie, puis une aggravation rapide de l’état général avec deux éléments très marquants, une insuffisance rénale aiguë et une acidose lactique importante. Et le seul point commun à ces deux cas était effectivement la consommation des huîtres.
C’est cela qui a conduit, sans attendre les résultats des autopsies (qui n’ont permis ni de vérifier ni d’écarter l’hypothèse d’un lien de causalité) et des analyses (qui sont en cours), à renforcer l’interdiction et à lancer une enquête sanitaire nationale, s’ajoutant à l’enquête régionale lancée par la Cire (cellule interrégionale d’épidémiologie) Aquitaine dès les premiers jours de septembre.
Urgences, hôpitaux, centres antipoison.
Une enquête avec deux entrées. La première est constituée par les tableaux cliniques d’IRA avec acidose métabolique : en a-t-on observé ailleurs en France chez des consommateurs d’huîtres ? Les services d’urgences et les services hospitaliers concernés ont été alertés. Ce n’est pas simple, puisque les insuffisances rénales aiguës, même avec acidose, peuvent avoir bien d’autres causes. La deuxième entrée est une éventuelle augmentation des troubles neurologiques ou autres manifestations témoignant d’une intoxication, recherche qui passe cette fois par les centres antipoison.
Sachant que le délai entre l’intoxication et les manifestations cliniques est une question d’heures (entre 12 et 24 généralement et au maximum 48 heures), on devrait être fixé en quelques jours.
Aller très vite.
C’est l’occasion pour le Pr Brücker de rappeler combien, dans le domaine du risque alimentaire, «il est indispensable d’aller extrêmement vite». «Si le produit est effectivement à l’origine de troubles toxiques ou de maladies infectieuses, quelques jours de retard peuvent avoir des conséquences dramatiques», insiste-t-il. Et de citer les cas groupés syndrome hémolytique et urémique liés à la consommation de viande hachée contaminée par E.coli qui ont touché le Sud-Ouest l’année dernière (18 cas, dont 17 enfants, et 51 gastro-entérites avec diarrhée sanglante).
L’alerte a été donnée sur les deux premiers cas. «L’enquête nous a très vite montré, en quelques jours, que nous avions près d’une vingtaine de cas. Nous avons immédiatement proposé le retrait de la commercialisation de certains lots de steaks hachés, alors que 20000boîtes avaient déjà été vendues. Le rappel de ces boîtes nous a permis de limiter de façon considérable les conséquences de l’exposition. Nous sommes allés extrêmement vite. Si nous avions tergiversé pendant cinq ou six jours, ce n’est pas 18cas de SHU que nous aurions eu, mais peut-être 200 ou 1000.» Le problème des huîtres est moins clair puisque l’effet des toxines est très peu documenté en ce qui concerne la clinique humaine. Mais, pour les médecins, la règle reste simple, «c’est que toute manifestation clinique suspecte, dans un contexte d’exposition à un risque, qu’il soit alimentaire ou d’une autre nature, impose un signalement à la Ddass».
Les tests sur la souris
En l’absence de données cliniques, la protection des consommateurs s’appuie sur le test bioessai sur souris. Le résultat est considéré comme positif avec la mort de deux ou trois souris dans les 24 heures : les produits de la zone examinée sont alors considérés comme contaminés à des niveaux représentant un risque pour le consommateur.
Les travaux permettant le passage des bioessais sur souris aux analyses chimiques ont été lancés au niveau national, tient à préciser l’Afssa (Agence française de sécurité sanitaire des aliments). Cela donnera une référence, mais, selon l’Agence, ne permettra pas d’assurer le même niveau de protection que le bioessai souris, car l’analyse chimique ne mettra pas en évidence des agents chimiques émergents.
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