DE NOTRE CORRESPONDANTE
LE GÈNE muté responsable de la mucoviscidose, identifié en 1989, code pour la protéine CFTR (Cystic Fibrosis Transmembrane conductance Regulator). Or, malgré les progrès accomplis depuis son identification, la maladie demeure sans traitement curatif et létale. «L'absence d'un bon modèle animal nous a empêchés de pouvoir répondre à des questions qui se posent depuis longtemps sur la mucoviscidose», explique dans un communiqué le Dr Christopher Rogers (université de l'Iowa), l'un des trois premiers coauteurs de l'étude, avec les Drs David Stoltz et David Meyerholz (également à l'université de l'Iowa). «Si l'on voulait conduire des expériences visant à identifier des traitements pour la maladie pulmonaire qui est fatale chez les patients atteints, il fallait les mener chez les enfants touchés», ajoute le Dr Randy Prather (université du Missouri, Columbia). D'où l'importance des modèles porcins mis au point par les chercheurs.
Les modèles murins développés jusqu'ici (souris porteuses de mutations du gène CFTR) ont certes été utiles, mais ils sont imparfaits, car les souris mutantes ne développent pas les manifestations caractéristiques de la mucoviscidose, notamment les anomalies du poumon, du pancréas, des intestins, du foie et d'autres organes.
Des parents hétérozygotes clonés.
À la recherche d'un nouveau modèle animal de la maladie, les chercheurs ont donc choisi le cochon, plus proche de l'homme que la souris en termes d'anatomie, de biochimie, de physiologie, de taille, de durée de vie et de génétique.
L'équipe de Michael Welsh (université de l'Iowa) a d'abord inactivé une copie du gène CFTR dans des cellules de peau (fibroblastes) prélevées sur des cochons. Puis, en transférant le noyau de ces fibroblastes altérés dans des ovules énucléés de truie, l'équipe de Randy Prather (université du Missouri, Columbia) a produit, par clonage, des cochons portant tous une seule copie du gène CFTR (CFTR+/–).
Ces cochons hétérozygotes, qui ne sont pas malades, ont ensuite été croisés de façon naturelle. Environ un quart des porcelets nés alors sont homozygotes pour l'altération génétique, c'est-à-dire portant deux copies inactives du gène CFTR (CFTR–/ CFTR–).
Ces cochons nouveau-nés qui sont privés de CFTR (CFTR–/CFTR–) ont une apparence normale à la naissance, mais ils présentent bien un défaut de transport du chlore ; de plus, ils développent un iléus méconial, une destruction du pancréas et une cirrhose biliaire focale, reproduisant ainsi les mêmes anomalies que celles observées chez les bébés atteints de mucoviscidose.
La surveillance pulmonaire va être majeure.
«Jusqu'à présent, les manifestations cliniques, physiologiques et liées à l'âge de la maladie chez les cochons, ainsi que les organes touchés, imitent la mucoviscidose observée chez les humains», se félicite le Dr David Stoltz. De nombreuses questions demeurent sur la façon dont l'infection et l'inflammation entraînent l'atteinte pulmonaire, principale cause de morbidité et de mortalité chez les patients atteints de mucoviscidose et dont l'apparition peut être rapide (quelques mois après la naissance) ou tardive (plusieurs années après).
Les poumons des porcelets CFTR–/– apparaissent normaux à la naissance et sont dépourvus d'inflammation cellulaire, aussi bien au niveau des voies respiratoires que du parenchyme. Un lavage broncho-alvéolaire effectué douze heures après la naissance montre également l'absence d'infection.
En surveillant les poumons des porcelets au fur et à mesure qu'ils grandiront et seront exposés à des pathogènes de l'environnement, les chercheurs espèrent apprendre comment la maladie respiratoire se développe chez les enfants et les jeunes adultes atteints de mucoviscidose.
«On peut maintenant commencer à étudier la progression de la maladie, au fur et à mesure qu'elle survient, ce qui n'est pas possible chez l'homme», note le Dr Meyerholz.
«Ce modèle porcin pourrait ouvrir des perspectives pour la compréhension de la pathogenèse de la mucoviscidose et accélérer la mise au point de stratégies pour la prévention et le traitement», concluent les chercheurs.
« Science », 26 septembre 2008, p. 1837.
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