«LES CLINICIENS de l'ensemble des hôpitaux du territoire doivent considérer le choléra comme un des diagnostics possibles devant tout patient de retour d'un pays affecté, notamment chez l'enfant ou la personne âgée, même en cas de symptomatologie digestive d'apparence banale.» Cette mise en garde arrive en conclusion d'une étude rétrospective descriptive réalisée sur les cas de choléra importés en métropole et déclarés entre le 1er janvier 1973 et le 31 décembre 2005. Publiée dans le « BEH » (n° 34), elle montre que, au cours de ces 33 années, 129 cas d'importation ont été déclarés et confirmés biologiquement. Avec une moyenne de 3,9 cas par an, leur nombre apparaît faible et une tendance à la diminution semble confirmée (4 cas entre 2000 et 2005).
Des données qui expliquent que la toxi-infection intestinale due à Vibrio cholerae, maladie rare, reste méconnue des médecins urgentistes ou généralistes. D'où l'appel à la vigilance des auteurs de l'étude. En effet, le profil des patients évolue : le premier cas concernant une personne âgée de plus de 65 ans est apparu dans les années 1980 et le nombre de patients dans cette tranche d'âge n'a cessé d'augmenter au cours des années 1990 ; le nombre d'enfants âgés de moins de 15 ans est resté stable, tandis que celui des patients âgés de 16 à 65 ans a considérablement diminué entre 2000 et 2005 après s'être accru dans les années 1980 et 1990.
Surtout l'Asie.
L'origine géographique des infections a aussi changé au fil des décennies : dans les années 1980, les infections sont principalement survenues (94 %) chez des personnes originaires du Maghreb (Maroc et Algérie) de retour au pays pour des visites familiales, puis leur proportion a progressivement diminué pour devenir quasiment nulle au cours des années 2000. En revanche, l'Amérique latine, l'Afrique centrale, l'Afrique de l'Ouest et surtout l'Asie ont progressivement émergé comme de nouvelles zones d'infection. Les cas concernent majoritairement des vacanciers estivaux, dont une proportion croissante dans des régions situées hors des grands bassins traditionnels de populations immigrées comme l'Ile-de-France, Rhône-Alpes ou la région Paca.
L'évolution vers des âges extrêmes et la diversification des lieux d'infection est un reflet du changement des manières de voyager : on trouve de plus en plus de seniors et d'adeptes d'un tourisme « sac à dos » en contact étroit avec la population locale. L'attention doit être portée sur ces profils cliniques peu «classiques». En effet, s'il est peu létal, le choléra est parfois grave : quatre cas sur cinq ont dû être hospitalisés après un délai moyen de trois jours après leur retour.
Les auteurs rappellent que, «contrairement à une notion communément répandue, le vibrion responsable du choléra est peu transmissible lorsque les règles d'hygiène de base sont respectées». De même, le risque de transmission secondaire semble faible et, en milieu de soins, «le respect des précautions standard renforcées par les précautions de contact suffit pour éviter le risque de contamination». En France, aucun cas secondaire n'a été détecté parmi les 105 soignants qui ont prodigué des soins aux trois derniers cas d'importation.
Le choléra dans le monde
Le choléra a longtemps été confiné au sous-continent indien avant de se répandre sur toute la planète. Depuis la première pandémie de 1817, qui a envahi l'Asie, le Moyen-Orient et une partie de l'Afrique, les spécialistes en ont dénombré sept autres qui toutes ont eu l'Asie comme point de départ. Leur extension aux autres continents se fait de plus en plus rapidement à la faveur du développement des moyens de transport. L'Europe et la France ont été atteintes dès la deuxième pandémie (1829-1837) et c'est en 1983 que Robert Koch isole Vibrio cholerae au cours d'une expédition en Egypte. Jusqu'en 1992, le sérogroupe 01 était le seul agent connu du choléra. La nouvelle souche apparue cette année-là (sérogroupe 0139) en Inde et au Bangladesh fait peser la menace d'une huitième pandémie. Le vaccin buvable disponible en France pour les voyageurs (adultes et enfants de 2 ans et plus) n'est actif que sur le sérogroupe 01 (deux prises orales à huit jours d'intervalle). Comme le précise l'avis du Conseil supérieur d'hygiène de France relatif au vaccin oral (mai 2004), «pour le voyageur, la première prévention contre le choléra demeure le respect des mesures d'hygiène (hygiène alimentaire, lavage des mains) ». Le choléra est la première maladie à déclaration obligatoire internationale (depuis 1882), avec la peste et la fièvre jaune.
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