LE PALUDISME demeure, avec plus de 2 milliards de personnes exposées et plus de 2 millions de décès par an, une priorité sanitaire mondiale. La France, qui a enregistré ces quatre dernières années de 6 500 à 7 000 cas par an, est le pays européen le plus touché par le paludisme d’importation. Avec une démographie comparable, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne comptabilisent respectivement 1 800-2 500, 900, 850 et 300 cas. Alors que la maladie est à déclaration obligatoire dans la quasi-totalité des pays non endémiques, seuls sont soumis à déclaration obligatoire les cas de paludisme importés dans les départements d’outre-mer et les cas de paludisme autochtone en métropole. En France métropolitaine, la surveillance repose donc sur les données recueillies par les réseaux de correspondants volontaires et transmises aux deux centres nationaux de référence, l’un chargé de l’épidémiologie, l’autre de la chimiosensibilité des souches de Plasmodium. Le regroupement des deux structures en un seul centre de référence (CNR), cette année, devrait permettre de mieux décrire les cas de paludisme d’importation.
Plus de 20 000 cas en trois ans.
Selon le bilan publié dans le « BEH » (n° 32/2006), le nombre de cas est en baisse régulière depuis 2001, même si la variation observée sur dix ans reste modérée. Entre 2001 et 2003, le nombre de cas notifiés par le réseau de correspondants est de 11 076, soit 50-55 % du nombre total de cas, estimé à 20 608. En 2004, selon des données provisoires, 3 442 cas ont été notifiés, soit 6 109 cas estimés.
Il s’agit d’une population plutôt jeune (30,8 ans), masculine (sex-ratio de 1,6) et le plus souvent originaire d’un pays endémique, essentiellement l’Afrique (71,5 %). La majorité des patients sont des migrants installés en France (80 % contre 20 % de primo-arrivants).
Si quatre-vingts pays sont à l’origine des contaminations, 90 % des cas sont contractés dans quinze d’entre eux, principalement la Côte d’Ivoire, le Cameroun, le Sénégal, le Mali, les Comores et Mayotte. Le Congo, la République démocratique du Congo (ex-Zaïre), la Guinée, le Burkina Faso, le Bénin, la République centrafricaine, le Gabon, Madagascar, le Togo et la Guyane française se partagent le tiers des cas restants. Si l’on se réfère à l’incidence, calculée à partir des données sur les flux de voyageurs de la Direction de l’aviation civile, le risque moyen estimé pour 1 000 voyageurs est de 8 en Côte d’Ivoire, 6,9 au Congo, 5,6 au Cameroun, 4,9 au Mali et 1,2 au Sénégal.
La Guyane française est, avec 22 000 visiteurs, à l’origine de 20 fois plus de cas de paludisme d’importation en métropole (dont 12 % surviennent chez des militaires) que le Brésil, qui reçoit près de 14 fois plus de visiteurs (300 000). Le risque est 280 fois plus élevé en Guyane qu’au Brésil.
Parmi les raisons du séjour, on retrouve le tourisme (21 % des cas), un motif professionnel ou d’affaires (6,2 %, dont 0,4 % de personnels navigants), une assistance technique ou militaire (6,6 %), mais la grosse majorité est représentée par des migrants en visite au pays. Les patients ont séjourné le plus souvent en milieu rural, sur les côtes, ou les deux (plus de 78,8 % d’entre eux) contre 21 % en milieu urbain, et pour une durée de 36 jours en moyenne.
Fièvre au retour des tropiques.
Le Plasmodium falciparum est l’espèce le plus souvent en cause (83,5 %), avant P.ovale, P.vivax et P.malariae. Le délai d’apparition des symptômes et de diagnostic par rapport au retour en France est respectivement de cinq et dix jours. Les patients ont surtout présenté des accès simples (94,2 % d’entre eux), avec parfois une aggravation transitoire (1,2 %). Le nombre de formes graves est stable : 106 en 2001, 132 en 2002 et 133 en 2003, avec un taux de létalité de 12,6 %, lui aussi stable (la létalité est de 5,4 % pour l’ensemble des accès à P.falciparum). Les accès graves, voire mortels, concernent principalement des Européens. Un certain nombre survient du fait d’un retard du recours aux soins ou parfois d’une confusion diagnostique devant une symptomatologie fruste ou trompeuse. D’où le rappel insistant des auteurs du bilan : «Toute fièvre au retour des tropiques doit être considérée comme un paludisme jusqu’à preuve du contraire.» Il convient de sensibiliser les voyageurs dans ce sens. A l’origine des contaminations, l’utilisation inadéquate ou l’absence d’une chimioprophylaxie et/ou de mesures de protection personnelle antimoustique sont encore trop fréquentes, comme le confirme l’étude réalisée dans onze hôpitaux sentinelles à partir du recueil des isolats de Plasmodium et de l’analyse de la concentration plasmatique d’antipaludiques, dont les résultats figurent dans ce même numéro du « BEH ». L’arrêt prématuré de la prophylaxie au retour constitue, loin devant les résistances du parasite aux antipaludiques, l’une des principales causes de survenue des accès palustres. «A côté d’une extension, éventuellement ciblée, de la prise en charge des prophylaxies par les régimes d’assurance-maladie, un effort de pédagogie est nécessaire pour faire passer correctement des messages de prévention auprès des catégories de voyageurs les pus touchées», préconisent en conclusion les auteurs.
Un bilan de la surveillance du paludisme à la Réunion en 2003-2004 et de la situation épidémiologique à Mayotte en 2003-2004 figurent également dans ce numéro du « Bulletin épidémiologique hebdomadaire ».
Quelques cas autochtones
Dans le bilan, les cas autochtones relèvent de la curiosité épidémiologique : après une transfusion ou après une greffe (quatre cas : rein, foie, coeur et moelle osseuse). Trois cas de paludisme congénital ont également été déclarés.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature