Prise en charge de la gale

Encore faut-il y penser…

Publié le 09/03/2015
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Dans les formes profuses avec de nombreux sarcoptes la transmission peut être indirecte

Dans les formes profuses avec de nombreux sarcoptes la transmission peut être indirecte
Crédit photo : PHANIE

L’augmentation de l’incidence ces dernières années est liée à plusieurs facteurs : la contagiosité (liée au diagnostic souvent tardif…), la densité parasitaire (les formes profuses/hyperkératosiques avec de très nombreux sarcoptes sont plus difficiles à traiter), et le cycle parasitaire qui nécessite deux traitements à quelques jours d’intervalle, ce qui n’est pas toujours observé.

Les possibilités thérapeutiques sont l’Ascabiol toujours en rupture de stock ; l’Antiscabiosum normalement réservé aux enfants et disponible uniquement à l’hôpital ; la perméthrine prescrite dans le cadre d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) ; l’esdépalléthrine (Spregal) seul traitement topique actuellement disponible, dont on ignore s’il est aussi efficace que les précédents faute de données solides. Aucun de ces traitements locaux n’est pour l’instant pris en charge par la sécurité sociale. En outre, l’AMM de l’ivermectine (Stromectol, traitement par voie orale) n’a pas été révisée depuis plus de 10 ans ; elle recommande une prise unique, à jeun. « Or, insiste le Professeur Olivier Chosidow, deux prises sont nécessaires et il doit être pris au milieu d’un repas ».

Peu de données dans la littérature

Une revue systématique Cochrane parue en novembre 2011 avait pour objectif d’évaluer les traitements locaux et systémiques de la gale (1). Mais « les effectifs sont pauvres, le suivi n’est pas de bonne qualité… », déplore le Pr. Chosidow (2) et le traitement préventif n’a fait l’objet d’aucune étude (3).

Deux études ont été présentées aux journées dermatologiques de Paris en décembre 2014 sur les facteurs de risque de récidive de la gale humaine ont montré que ce sont les modalités de réalisation du traitement et la prise en charge synchrone insuffisante des sujets contacts (5) qui sont la cause de la récidive.

Deux doses ou deux applications

«Pour parer aux difficultés thérapeutiques de la gale, déclare le Pr. Chosidow, il faut avant tout y penser. La gravité du cas index doit être évaluée en sachant que la gale profuse/hyperkératosique ne se soigne pas comme une gale commune. Enfin, il faut donner deux doses ou deux applications à intervalle de 7 ou 14 jours (6,7,8) au patient et aux sujets contacts et éviter les contacts rapprochés avant la deuxième application. La transmission indirecte existe dans ces formes ».

Concernant la réalisation des traitements, l’Antiscabiosum doit être utilisé comme l’Ascabiol. La perméthrine 5 % peut être demandée dans le cadre d’une ATU. L’ivermectine doit être prescrite à raison de deux doses de 200 µg/kg à prendre au milieu du repas (9). La corticothérapie locale doit être évitée.

L’ivermectine peut être prescrite en France chez la femme enceinte ou allaitante. Chez l’enfant de moins de quinze kilos, la perméthrine 5% est prescrite après l’âge de 2 mois (bander les mains). L’esdépalléthrine peut être utilisée à tous les âges sauf en cas de bronchospasme. L’Antiscabiosum est réservé à l’enfant de plus d’un an. Le nouveau-né, quant à lui, est pris en charge à l’hôpital.

Les patients atteints de gale profuse/hyperkératosique doivent être isolés, les épidémies doivent être déclarées à l’ARS. Enfin, rappelle le Pr Chosidow: « les explications données aux patients doivent être écrites; la prescription aux sujets contacts ne comporte pas de risque médicolégal important », déclare le Pr. Chosidow.

D’après un entretien avec le Pr Olivier Chosidow, hôpital Henri Mondor et université Paris-Est Créteil, Créteil

(1) Strong M et al. Evidence-Based Child Health: A Cochrane Review Journal. 2011(6);6:1790-1862

(2) Le Cleach L, Chosidow O. Evidence-Based Child Health: A Cochrane Review Journal. 2011(6);6:1865-6

(3) Fitzgerald D et al. Cochrane Database of Systematic Reviews. 2014, Issue 2

(4) Aussy A et al. Annales de Dermatologie et de Vénérologie. 2014(141);12:S271-S272

(5) De Sainte Marie B. et al. Annales de Dermatologie et de Vénérologie 2014(141);12:S271

(6)Chosidow O et al N Engl J Med 2006 ;354:1718-27

(7) Currie BJ et al. N Engl J Med 2010 ;362:717-25 

(8) Avis relatif à l’actualisation des recommandations sur la conduite à tenir devant un ou plusieurs cas de gale. HCSP 9 novembre 2012.

(9) Chosidow O et al. Oral N Engl J Med 2010;362:896-905

Dr Brigitte Martin

Source : Bilan spécialiste