CHEZ LES PRATICIENS LIBÉRAUX, le feuilleton de la représentativité syndicale agite périodiquement le microcosme, nourrit le ressentiment d'une partie de la profession, aiguise les surenchères et aboutit sans doute à diviser et à affaiblir le corps médical.
Sur le papier, cinq syndicats nationaux sont aujourd'hui déclarés officiellement « représentatifs » des quelque 111 000 médecins libéraux en vertu de la dernière enquête (IGAS) diligentée par le gouvernement (2002). La Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) et le Syndicat des médecins libéraux (SML) ont acquis leur représentativité dans les deux collèges (généralistes et spécialistes). La Fédération des médecins de France (FMF) n'est qualifiée que chez les spécialistes, de la même façon que le syndicat Alliance, fusion de l'Union collégiale des chirurgiens et spécialistes français (UCCSF) et du SMI-France. MG-France enfin, organisation monocatégorielle, est représentative des seuls généralistes. Voilà pour le droit.
Sésame conventionnel.
L'attribution de ce « label » provoque d'inlassables controverses professionnelles. L'enjeu n'est pas mince : outre la reconnaissance par les pouvoirs publics et l'attribution de divers sièges ou strapontins, la représentativité a surtout valeur de sésame conventionnel. Seuls les organisations représentatives sont habilitées à mener la négociation avec l'assurance-maladie, a fortiori à signer les conventions qui régissent l'organisation et la tarification de la médecine de ville (de surcroît, en 2006, l'adoption dans la loi d'un amendement très contesté du sénateur UMP Alain Vasselle a privé les syndicats non représentatifs d'exercer le droit d'opposition majoritaire aux décisions conventionnelles).
Depuis 2002, en tout cas, la polémique sur la représentativité n'a pas cessé, avivant les querelles syndicales (parfois de façon artificielle). La FMF, disqualifiée dans le collège généraliste, estime avoir été victime d'un choix politique arbitraire (cette centrale avait été renforcée en 2002 par des centaines de médecins généralistes issus des coordinations). Elle réclame justice sur ce point avant d'envisager une éventuelle implication dans les réformes.
La représentativité proclamée en 2002 ne refléterait plus la réalité syndicale de 2008, entend-on souvent. La photographie d'hier occulte par définition la percée récente du syndicat Espace Généraliste, tenu à l'écart de toute discussion officielle.
A l'inverse, la légitimité d'Alliance, signataire de la convention pour les spécialistes, est parfois contestée au regard de ses résultats électoraux récents.
Ce brouillage est renforcé par l'éclatement du paysage médical en spécialités et sous-spécialités, syndicats affiliés dits « verticaux » ou encore « horizontaux » (départementaux…) ; pour ne citer qu'un exemple, les chirurgiens sont représentés par de nombreuses structures catégorielles (organisées sur la base d'un segment professionnel précis, souvent affiliées à des centrales polycatégorielles, parfois à plusieurs…), mais aussi par des organisations autonomes qui prétendent incarner les « vrais » médecins de terrain et contestent la légitimité des syndicats officiels. Difficile dans ce contexte de parler d'une voix unie sur les questions concernant l'avenir de la chirurgie.
Pour Patrick Hassenteufel, professeur de science politique à l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, cette «fragmentation est une tendance continue depuis les années 1960, liée à l'histoire des syndicats qui est celle d'une succession de scissions et de schismes». Pour cet expert, ce morcellement ne facilite pas la négociation dans la clarté : «Les clivages sont peu clairs en réalité, la situation peu lisible pour les professionnels eux-mêmes et pour l'extérieur, à part peut-être la tension entre MG-France et la CSMF.»
Reste que le taux de syndicalisation effective des médecins libéraux – 15 % à 20 % selon les estimations – n'est pas négligeable, en tout supérieur à celui des salariés. Ce qui, malgré le caractère imparfait du système, confère aux principaux syndicats reconnus un réel pouvoir d'influence.
Le poids de l'audience électorale.
Davantage que le nombre de cotisants, assez peu fiable, il est convenu que le scrutin des élections aux unions régionales de médecins libéraux (URML), où s'exprime environ un médecin sur deux, permet d'évaluer correctement l'influence de chaque syndicat et l'évolution des rapports de force.
Mais, là encore, le bât blesse. Certains responsables estiment qu'il faut faire des résultats aux élections professionnelles le critère principal sinon unique de la représentativité nationale des syndicats. Ce qui suppose des enquêtes régulières tenant compte des scores électoraux.
En novembre 2006, en pleine polémique syndicale, Xavier Bertrand, alors ministre de la Santé, avait estimé que le résultat à des élections professionnelles constituait un «indice important de représentativité» mais pas le seul. D'autres critères que l'audience entrent en ligne de compte, reconnus par la loi ou la jurisprudence : effectifs et cotisations attestant de l'existence d'une organisation structurée ; répartition sur une partie «significative» du territoire ; indépendance ; expérience ; ancienneté «minimale».
Pour beaucoup, ce cocktail complexe duquel surgit la représentativité nationale mérite d'être recomposé en toute transparence. En novembre dernier, Roselyne Bachelot promettait au Sénat d'« approfondir» le sujet.
Un des enjeux de cette clarification pourrait être la mise en place d'une représentativité «unique» (généralistes-spécialistes). Pas illogique dès lors que la médecine générale a accédé au rang de spécialité.
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