DE NOTRE CORRESPONDANTE
LE CHANGEMENT aura mis du temps, mais le droit des usagers est en voie d'institutionnalisation. C'est ce que démontre la conférence régionale (CR) Rhône-Alpes dans ce rapport d'une soixantaine de pages, dont l'objectif était justement d'indiquer la place qui doit être accordée, aujourd'hui, aux droits des patients. La loi relative à la politique de santé publique, promulguée le 9 août 2004, prévoit qu'un rapport doit être établi chaque année, puis transmis à la Conférence nationale de santé (CNS). Alors que les textes donnent beaucoup de liberté à sa réalisation, la Crsp de Rhône-Alpes s'est fixé une grande exigence : être destinataire de toute l'information disponible sur la thématique abordée, pour être en mesure de repérer les lacunes et de proposer «des pistes d'amélioration».
Force et faiblesses.
Cette exigence n'est pas étrangère au fait que c'est «la patronne des usagers qui mène la danse», commente Denis Requillart, coordinateur du programme régional pour la Mutualité française Rhône-Alpes et membre de la commission spécialisée à l'origine de ce rapport*. C'est en effet Bernadette Devictor, déjà à la tête du Collectif interassociatif sur la santé de Rhône-Alpes (CissRA), qui préside actuellement la conférence régionale. «La force de ce rapport est d'exister», estime, de son côté, le Dr Jacques Caton, chirurgien et représentant des professionnels de santé dans cette même commission. «Mais sa faiblesse réside dans une information partielle, puisquecertaines institutions et collectivités n'ont pas joué le jeu, et il faut donc se garder de tirer des conclusions trop rapides.» Le rapport renseigne principalement sur le respect du droit à l'information des usagers et sur l'accès aux soins en Rhône-Alpes. Dans le premier de ces deux chapitres, les auteurs notent que ce droit demeure «inégalement respecté selon le type d'information», notamment lorsqu'il s'agit des conséquences et des risques associés aux soins, voire aux autres solutions thérapeutiques possibles. C'est d'ailleurs ce qu'une enquête du CissRA, effectuée en 2006 auprès de ses adhérents, avait mis en exergue. Il n'en demeure pas moins que «certains professionnels de santé restent crispés sur ce sujet, car le fait que ce défaut de communication soit relevé est pris comme une attaque, alors qu'il ne s'agit que d'un constat», regrette Denis Requillart.
Disparité des pratiques.
Dans le chapitre « Egalité d'accès aux soins », et plus particulièrement le sous-chapitre « Accessibilité financière de l'offre de soins de ville », la Crsp a tenté d'étudier la répartition des spécialistes selon leur secteur conventionnel. Comme «aucune étude publiée n'a produit de statistiques régionales des répartitions des médecins libéraux par secteur conventionnel», la commission concernée a fait appel au Graphos (université Jean-Moulin, Lyon-III), qui a recensé la variété des exercices dans trois départements de la région, le Rhône, l'Ardèche et l'Ain, en mars 2006. Cette étude, qui n'est pas publiée, révèle l'existence d'une grande disparité des pratiques sectorielles entre ces trois départements : 42,5 % des médecins du Rhône exercent en secteur II, contre 15,3 % dans l'Ardèche et 18,6 % dans l'Ain. «Plus inquiétant est l'exercice, de façon exclusive ou quasi exclusive, de certaines spécialités en secteurII, ce qui restreint considérablement l'accès à certains soins pour des malades ne pouvant prendre en charge le dépassement d'honoraires», écrivent les auteurs. Propos auxquels le Dr Jacques Caton réagit vivement : «Les médecins en secteurII pratiquent également des actes en secteur opposable et des actes gratuits, mais encore faudrait-il que l'assurance-maladie fournissent des statistiques sur cette réalité.» La Crsp n'en recommande pas moins de réfléchir «aux modalités de maintien sur les territoires d'une offre médicale à tarif opposable non exclusivement réservée aux bénéficiaires de la CMU».
Dépassement.
Enfin, dans un autre sous-chapitre consacré cette fois aux dépassements d'honoraires, les auteurs révèlent que «Rhône-Alpes présente un pourcentage de dépassement (14 %) supérieur à la moyenne nationale». On relève là aussi de larges disparités, puisque le pourcentage va de 7,51 % dans l'Ardèche à près de 22 % dans le Rhône, qui se situe au niveau de la région Ile-de-France. La Crsp souhaiterait donc disposer de l'étude sur l'ensemble des caisses d'assurance-maladie de la région «afin de suivre les disparités territoriales, l'évolution dans le temps de cette politique de dépassement et le rôle joué par les Cpam pour la limiter».
En définitive, si la présentation du rapport a entraîné quelques réactions épidermiques, les membres de la commission concernée se sont accordés sur le fait qu'il fournissait «de bonnes pistes de réflexion».
* La commission spécialisée de la Crsp en Rhône-Alpes est composée de 22 personnes, représentantes de l'assurance-maladie obligatoire et complémentaire, d'élus, d'usagers du système de santé, de professionnels de santé, d'établissements de santé, d'organismes d'observation et de recherche, d'organismes de prévention, d'associations à but humanitaire, du Conseil économique et social et enfin de personnalités qualifiées.
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