DE NOTRE CORRESPONDANTE
«VOUS ÊTES sur une ligne de crête difficile, entre valeurs et économie.» Le Pr Jean-Pierre Claveranne, directeur de l’Institut de formation et recherche sur les organisations sanitaires et sociales (Ifross, université Lyon-III) décrit ainsi la posture dans laquelle les établissements de la Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privés à but non lucratif (Fehap) se trouvent aujourd’hui.
En Rhône-Alpes, la Fehap rassemble 238 établissements, dont 72 dans le secteur sanitaire, soit 14 % de l’offre de soins. Touchés de plein fouet par la mise en place de la T2A (tarification à l’activité), les trois quarts d’entre eux sont aujourd’hui déficitaires. Et tentent, tant bien que mal, «de s’adapter aux vicissitudes budgétaires», explique Dominique Montégu, déléguée régionale de la Fehap et directrice de l’hôpital Saint-Luc -Saint-Joseph à Lyon. Son propre établissement, soumis à plusieurs plans de redressement depuis trois ans, a donc été confronté à des choix drastiques. Cet été, une nouvelle étape a été franchie avec la suppression de deux activités médicales (ORL et stomatologie) et de la chirurgie orthopédique, au profit de la création d’un groupement de coopération sanitaire (GCS) avec la clinique privée du Val-d’Ouest, implantée en banlieue lyonnaise, à Ecully. C’est une première dans la région.
Préserver les valeurs.
Pour les établissements privés à but non lucratif, l’enjeu consiste aujourd’hui à s’adapter tout en préservant les valeurs d’économie sociale et solidaire qui les caractérisent. Or «au nom de quoi les valeurs énoncées correspondraient aux valeurs pratiquées, voire aux valeurs évaluées?», se demande Jean-Pierre Claveranne. Un médecin présent dans la salle fait justement observer qu’il ne voit plus de différence entre établissements privés lucratifs et non lucratifs, puisque «les médecins pratiquent des dépassements d’honoraires» d’un côté comme de l’autre. Pour autant, «ce n’est pas le mariage de la carpe et du lapin», nuance Dominique Lebrun, directrice générale des établissements mutualistes du Rhône et de l’Ain, «c’est d’ailleurs une situation que nous connaissons».
Dès 2003, la mutualité du Rhône a engagé une vaste restructuration doublée d’une stratégie de croissance externe dans l’Est lyonnais, via le rachat de cliniques privées à but lucratif (« le Quotidien » du 23 juin). «Ces établissements qui travaillent avec des libéraux et des salariés offrent la même prise en charge aux patients», assure Dominique Lebrun. Et de préciser : «Nous essayons aussi de peser sur les dépassements d’honoraires. (...) C’est un gage de pérennité pour l’avenir.» Dans l’Est lyonnais, jalonné de quartiers paupérisés, le secteur privé à but non lucratif assure désormais presque la totalité de l’offre de court séjour (MCO). L’initiative de la mutualité a d’ailleurs été saluée par le Pr Thierry Philip, qui s’est exprimé sous sa casquette de vice-président de la région Rhône-Alpes. Reste à démontrer que le « modèle » est viable. Patrice Vandenbergh, secrétaire général de l’ARH, se veut rassurant : «Vos établissements sont aujourd’hui sous le feu à cause de la T2A, mais nous veillerons à accompagner ceux qui sont le plus en difficulté, afin qu’ils s’adaptent aux exigences nouvelles.»
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