INSTALLÉ en bord de Seine dans un hôtel particulier du XVIIIe siècle, ce restaurant fondé en 1766 émerveille toujours par son architecture intérieure d’une folle complexité : on plonge de plain-pied dans l’atmosphère très XVIIIe des lieux, avec ses boiseries, ses plafonds bas, ses escaliers et coursives menant à la salle-à-manger et aux salons privés des étages, ses fresques murales, ses tentures chatoyantes et ses divans de velours, décor accentuant le côté vaisseau de la Royale et justifiant le nom du célèbre explorateur donné au restaurant en 1878.
Le long des couloirs, les photos d’époque et les portraits d’écrivains, de musiciens et de personnalités qui ont hanté les lieux : de Nerval à Simenon en passant par Proust, Dumas, Hugo, Maupassant ou Colette, de Bakounine à Mitterrand en passant par le duc de Windsor et Wallis Simpson, Berlioz, Manet, Sarah Bernhardt et Mistinguett.
Les petits et discrets salons abritèrent à l’époque des réunions politiques à l’abri des regards mais aussi et surtout des affaires plus intimes, souvent assorties de galipettes coquines sur les banquettes de velours rouge. Un escalier dérobé menant au couvent des Grands Augustins permettait aux couples, l’affaire faite, de sortir des petits salons à l’abri des regards. Les multiples rayures des miroirs des salons témoignent toujours de ces amours polissonnes. Les courtisanes vérifiaient ainsi l’authenticité des diamants offerts pour prix de leurs prestations et y gravant leur nom et les dates de leurs rendez-vous. Datées de 1850 à 1958, ces griffures sont tellement nombreuses qu’il faut des heures pour les déchiffrer.
Chargé de réveiller cette belle maison jusqu’alors quelque peu endormie – après des années d’incertitude et un impressionnant défilé de chefs pas particulièrement convaincants –, Jean-Sébastien Pouch a réussi en un peu moins de deux ans à redonner un nouveau souffle à ce lieu légendaire. Seulement 31 ans d’âge mais nanti d’un beau et gros pedigree – il fut l’ancien bras droit pendant dix années du grand Éric Fréchon au Bristol –, ce talentueux chef a su d’emblée imprimer sa marque en élaborant une éblouissante cuisine, pétillante et imaginative, sans jamais oublier l’histoire et le classicisme de la maison. Qualité sans faille des produits, techniques maîtrisées, justesse des cuissons et des assaisonnements et heureuse pointe de fantaisie dans des créations originales qui ne tombent jamais dans cette pernicieuse « modernité », qui, trop souvent aujourd’hui, masque le manque de création véritable.
Mariages natures.
Jean-Sébastien Pouch sait marier à merveille les produits les plus classiques aux fleurs, aux herbes et aux épices, sans jamais les dénaturer. Saveurs douces-acidulées et teintes fraîches pour la lisette de petit bateau en médaillons, poivrons doux au citron vert, vinaigrette de radis Green Meat au wasabi, fine gelée de sauvignon ; couleurs, textures et goûts contrastés pour l’œuf biologique mollet en croûte de pain brûlé, déclinaison d’asperges vertes du Vaucluse, amandes de mer et morilles cuisinées au jus ; et encore ris de veau rôti au four à la maniguette de Côte d’Ivoire, écrevisses pattes rouges et asperges vertes, tuile croustillantes au parfum de réglisse, cabillaud doré au beurre d’herbes, poivrades rôties et bouillon d’ail.
Tout est bon, beau et gourmand.
Concoctés par Manuel Sintes, jeune et talentueux chef pâtissier lui aussi nanti d’un beau parcours (La Réserve de Beaulieu, entre autres), les desserts ne sont pas en reste, association du croustillant et du fondant du croquant aux fruits, mariage d’une gelée rafraîchissante à une matière chaude. Ainsi les fraises et basilic et éclats de meringue, le Havane au chocolat noir crème glacée Hennessy ou le cocktail contemporain de billes de melon en gelée de cranberry et sorbet mûre.
Quant aux vins, on se laissera guider les yeux grands fermés par Medhi Zeriber, le très compétent sommelier, qui aligne lui aussi les belles références (élève de Faure-Brac au Bistrot du sommelier, Grand Véfour, Drouant, Table d’Anvers, etc.) et qui gère avec passion la somptueuse cave. Outre les prestigieux grands crus, Medhi se fait un plaisir de faire découvrir quelques beaux vins de vignerons en provenance de domaines sélectionnés, Loire, Saumur, Volnay, Beaune et Côtes-de-Castillon de derrière les fagots, souvent à des prix très abordables.
Restaurant Lapérouse, 51 quai des Grands Augustins, 75006 Paris, tél. 01.56.79.24.31, www.laperouse.fr.
Menu déjeuner : 35 euros (entrée + plat ou plat + dessert + 1 verre de vin) ou 45 euros (entrée + plat + dessert +1 verre de vin). Carte : 80/90 euros. Menu dégustation à 105 euros (6 services, hors vins, en salle à manger) et à 130 euros (5 services, hors vins en salon privé). Menus dégustation « Accord Parfaits Mets et Vins » à 155 euros (en salle-à-manger) et 180 euros (en salon privé).
Menus de la Saint-Sylvestre : en salle-à-manger, 210 euros (hors boissons) ou 300 euros(vins inclus) ; en salon particulier, 260 euros (hors boissons) et 350 euros (vins inclus).
Ouverture du lundi au vendredi déjeuner et dîner et le samedi dîner seulement. Fermeture le dimanche.
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