La relation entre pollution, climat et pauvreté est explicite.
Pour les médecins intéressés par la question humanitaire ou sensibles à la vulnérabilité d’autrui, les chiffres parlent d’eux-mêmes : une baisse de 50 % à 70 % de la production des gaz à effet de serre permettrait d’éviter une augmentation de deux degrés de la température atmosphérique, synonyme de sauvetage de 200 millions de personnes situées en dessous du seuil de la grande pauvreté. Si la température atmosphérique augmente de quatre degrés, ce seront 400 à 88 millions de personnes qui franchiront ce même seuil.
L’empathie sollicitée, la lutte contre la pollution s’entend sous différentes formes. Supprimer les grosses sources de pollutions telles les centrales à charbon implique de mettre en œuvre une transition énergétique obligeant les pays riches, plus grands consommateurs d’énergie et plus gros producteurs de carbone, à repenser leur impact sur l’environnement et la santé.
La contamination de l’air, qui engendre chaque année de nombreuses pathologies, est une priorité aux yeux des médecins, cruciale pour la santé des patients. Neuf maladies respiratoires sur dix sont liées à l’environnement, et 50 % des pathologies ORL sont directement liées à la pollution.
La question semble dépasser le soin individuel pour devenir celle d’une politique de santé. Conscient qu’agir seul ne peut suffire, tant la décision implique économies et gouvernances politiciennes, c’est à un sentiment d’incrédulité et d’impuissance grandissante que le médecin se trouve confronté. Naturellement porté par inclination au diagnostic et à l’action efficiente, le praticien se posera la problématique de savoir comment agir pour bien agir.
Les décisions relevant de l’économie et de la politique mondiales semblent échapper aux disciples d’Hippocrate. De fait se pose en premier celle de la légitimité des leaderships. Ces derniers peuvent opprimer leurs sujets, inhiber l’esprit critique, museler l’information, tordre le cou au bon sens, isoler les personnes, transformer le sujet libre et raisonnable en fanatique, menacer les nations, se maintenir en haut de l’échelle et agir pareillement aux princes tyranniques qui règnent sans partage. Utilisant sans ambages les richesses que la nature leur a données, ces mêmes princes tyranniques seront princes de la diplomatie, attirant à eux comparses et intéressés, et autres princes vendeurs d’armes ou en dépendance énergétique. Autant de considérations qui inhiberont ou éloigneront finalement l’implication du médecin décidé à agir. Cependant, à l’opposé, existent des leaderships capables de fédérer et de mobiliser les consciences et les énergies humaines autour d’une action collective. Dans ce second cas, le leadership sera reconnu par sa capacité à créer un monde auquel chaque citoyen est invité à œuvrer. Il apparaît ainsi que leadership et créativité sont intimement liés. C’est même par sa créativité que le leadership tient sa place de premier rang.
Dès lors, il apparaît nécessaire de s’interroger la légitimité même des leaderships qui défilent à Rio, à Kyoto, à Paris ou demain à Marrakech sur leur créativité philanthropique. On souhaiterait voir agir (plus) efficacement ces princes afin que leur œuvre touchant à la santé de chacun demeure éclairée et, se perpétuant, apporte l’aide devenue indispensable aux pays devenus pauvres ou émergents, si l’on veut penser qu’une possibilité leur est donnée de sortir de la dépendance.
Que faire ? Dans les deux cas, la philosophie peut nous aider à sortir de cette situation de dépendance des tyrans de la finance dont 1 % s’attribuent 50 % des richesses de la planète et génèrent la plus grande partie des méfaits climatiques avec ses conséquences humaines que l’on sait sur la santé de chacun. Elle peut nous aider aussi à savoir comment agir plus efficacement contre la barbarie, à discerner les vrais leaderships quand les savoirs, la culture semblent n’apporter aucune réponse pratique. Ce n’est pas seulement l’ignorance qui fait le terreau de la barbarie mais l’indolence.
La philosophie peut aider car elle contient des phares contre l’absurdité. Nous citerons l’exemple d’Albert Camus, témoin de son temps, intransigeant, refusant toute compromission, ne se dérobant devant aucun combat, protestant contre les inégalités qui frappent le monde, dénonçant les régimes oppresseurs et le silence déraisonnable du monde bien-pensant.
Sans doute, le médecin entre deux temps de consultations surchargées, trouvera-t-il une voie, un temps, un lieu de recherche et de réflexion contre l’isolement, l’absurdité, l’ignorance qu’entretiennent les princes d’ici et d’ailleurs.
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