La formidable popularité de Jacques Chirac, encensé pour sa diplomatie antiguerre, n'exonère pas le gouvernement de tâches socio-économiques qui s'alourdissent de jour en jour.
Les syndicats de travailleurs ont d'ailleurs mis en garde Jean-Pierre Raffarin contre une politique d'austérité qui serait présentée comme une fatalité imposée par la guerre en Irak. Leur combativité s'est déjà exercée à propos de divers dossiers sociaux : le gouvernement a voulu faire des économies ou supprimer des mesures sociales comme l'aide médicale d'Etat (AME) ou l'aide aux personnes âgées dépendantes, il a fini par reculer, au moins provisoirement. Par exemple, pour l'AME, il s'est borné à ne prendre aucun décret d'application pour une réforme pourtant adoptée par le Parlement. Sans doute est-ce reculer pour mieux sauter (par exemple en plein été), mais M. Raffarin gouverne à la façon d'Edouard Balladur ; quand il rencontre une forte résistance, il amende ou supprime les dispositions annoncées.
L'alibi de la guerre
Il confirme toutefois que ses projets de réforme ne prendront aucun retard, que celle de la retraite, par exemple, sera bouclée avant l'été, que celle du système de soins sera lancée dans la foulée. Mais il ne peut ignorer des difficultés liées à une conjoncture exécrable. Certes, elle est aggravée par la guerre, mais, comme le notent tous les analystes, la guerre ne suffit pas à l'expliquer et la prévision du taux de croissance en 2002 a été récemment révisée (à 1,5 % au lieu de 2,5, puis 2,3) par le gouvernement. Or il était plus confortable pour nos dirigeants de rajeunir nos structures sociales et économiques dans un climat favorable, assorti de créations d'emplois. Mais le taux de chômage (en même temps que l'inflation) augmente et M. Raffarin, soudain saisi par l'urgence, a créé de nouveau les emplois-jeunes soutenus par les finances publiques qu'avait inventés M. Jospin. Rien ne semblait plus contraire à la logique que ces emplois artificiels, si l'on en croyait Jean-Pierre Raffarin, lorsqu'il entra à l'hôtel Matignon. Rien ne lui semble plus utile, maintenant qu'il gère le pays.
Ce revirement « idéologique » donne à lui seul la mesure de l'inquiétude du gouvernement. Face à un déficit de croissance qui semble devoir durer, peut-être au-delà de 2003, le « traitement social » de la crise lui apparaît comme un outil valable, bien que sa doctrine repose sur l'impératif catégorique de la réduction des prélèvements obligatoires. Mais on ne fait pas forcément la politique économique que l'on préconise, dès lors que la « crise », sorte de calamité naturelle sur laquelle les gouvernants n'ont aucun pouvoir, dicte des mesures d'urgence en faveur des gouvernés, ou des électeurs, si l'on préfère.
On remarquera, en même temps, que le gouvernement minimise son différend avec la Commission de Bruxelles, qui veut sanctionner la France (et l'Allemagne) pour dépassements des plafonds de déficit budgétaire (et bientôt des plafonds de la dette nationale) contraires aux dispositions du traité de Maastricht. Une fois encore, l'Europe est traitée avec désinvolture, certes parce qu'on a enfermé ses institutions dans un carcan de mesures adoptées à une époque d'euphorie économique, mais cela n'a pas empêché Jacques Chirac d'affirmer, pendant le sommet du week-end dernier, que « la France conduit une politique budgétaire responsable ». Il y a les faits et les mots.
A contre-courant du credo
Le cur du problème, c'est l'incapacité du gouvernement à faire des économies budgétaires, souhaitables dans l'absolu, mais désastreuses pour les familles. Et lorsque M. Raffarin clame que les réformes continueront, il n'est guère explicite. Non seulement il se bat contre la crise, mais il se bat contre des organisations syndicales imprégnées de la notion périmée d'Etat providence et qui, avant même de négocier une réforme, hurlent leur hostilité.
Dans le seul cas des retraites, le débat a déjà montré qu'une réforme « juste », c'est-à-dire qui prenne en compte les cas (nombreux) de salariés qui ont travaillé quarante ans mais n'ont pas soixante ans, coûterait plus cher que les économies attendues de l'alignement de la durée des cotisations des fonctionnaires sur celle des salariés du public. Vous avez bien lu : plus cher. Or quoi de plus juste ?
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