EN MÉDECINE DU SPORT, «les postes occupés par les médecins et les fonctions qu’ils remplissent sont divers et devraient être à l’avenir beaucoup mieux définis», constate le Cpld dans la recommandation qu’il vient d’adresser aux fédérations sportives, au sujet du secret médical, de la déontologie en médecine du sport et des relations triangulaires complexes entre médecins, sportifs et responsables des différentes structures professionnelles.
Avant tout, le conseil rappelle que le droit commun doit s’appliquer : malade ou non, le sportif a droit comme tout un chacun à l’information sur son état de santé, au libre choix de son médecin, et il doit pouvoir donner son consentement personnel à tout type de soins qu’il juge nécessaire à son état. En outre, dans l’exercice de chacun de ses droits, «le secret doit être respecté, protégé et conservé par toute personne qui en est devenue dépositaire, particulièrement à l’occasion des soins». Le médecin est ici spécialement impliqué. Et c’est parce que, dans la situation actuelle, les différentes fonctions médicales ne sont pas toujours suffisamment dissociées, que le Cpld a mobilisé depuis deux ans sur ce sujet un groupe de travail.
Protéger du risque judiciaire.
«Notre préoccupation première, souligne Pierre Bordry, président du conseil, c’est de protéger à la fois les médecins et les fédérations qui pourraient être exposés à des procédures judiciaires en raison de la confusion des rôles.»
Il convient donc, selon le Cpld, de «recommander au médecin du sport de ne pas accepter d’être à la fois le médecin traitant et le médecin missionné d’évaluation d’un même sportif». Cette recommandation concerne tout particulièrement les médecins d’équipe et les médecins de club.
Ceux-ci doivent situer leur intervention soit dans la pratique des soins, soit dans l’évaluation et l’expertise, mais en aucun cas dans les deux registres à la fois.
Le médecin «est-il mis à la disposition des sportifs pour les soigner en cas de besoin, en respectant leur libre choix? Dans ce cas, sa situation est claire: il effectue des soins comme le fait tout médecin traitant. Au regard du secret professionnel, c’est la règle du secret absolu, base de la relation normale médecin-malade. Pour autant, cela n’interdit pas à ce praticien d’établir (ou de refuser) une certification de non-contre-indication aux activités sportives, comme le prévoit la loi».
En revanche, «si le médecin a reçu une mission d’évaluation, voire de décision, de la part d’une structure, il doit en rendre compte à celle-ci après avoir informé le sportif. Sa fonction est alors celle d’un contrôleur ou d’un expert et il ne saurait avoir dans le même temps des activités de soins» (sauf évidemment dans les cas d’urgence vitale).
D’après les informations communiquées au conseil, notamment via les médecins membres de son comité médical, «une habitude anormale» aurait été contractée par les entraîneurs ou les dirigeants de club ou d’équipe, lesquels demanderaient aux médecins des équipes de leur transmettre les informations qu’ils détiennent sur la santé des sportifs, quand bien même ces informations auraient été recueillies alors qu’ils dispensaient des soins aux intéressés. De la même manière, un médecin fédéral (ou tout médecin employé par une fédération) doit veiller à ce que les diverses fonctions qu’il remplit (surveillance sanitaire, médicale, veille épidémiologique, prévention et réduction des risques, éducation à la santé, orientation de programmes de recherche) restent des fonctions administratives de santé publique et/ou de contrôle et d’expertise, sans jamais interférer avec des fonctions de soins.
Et lorsqu’un médecin fédéral a accès à un dossier médical personnalisé, il est lui-même tenu d’observer le secret, aucun tiers ne pouvant avoir connaissances de telles données. Dans le cas où un dirigeant en serait informé, la divulgation de données l’exposerait à des poursuites pénales. C’est donc le seul énoncé de la décision pour motif de santé, sans explicitation aucune, qui peut et doit être communiqué.
«Ces recommandations constituent des règles de bonnes pratiques destinées à éviter toute situation conflictuelle, se félicite le Dr Jacques Liénard, médecin fédéral de la FFF (Fédération française de football) ; à terme, ce qui sous-tend cette démarche de clarification, s’agissant de la médecine des sportifs de haut niveau, c’est le recours systématique à un plateau technique doté d’un système d’évaluation de haut niveau, avec des centres d’exploration fonctionnelle dans les CHU. Dans le cadre du suivi longitudinal, ces centres de médecine de pôle sont appelés à exercer l’essentiel du rôle d’expertise en éliminant tout risque de confusion des rôles de la part des médecins en charge des soins au sein des équipes.»
Clarification.
Pour le Dr Eric Bouvat, médecin de l’équipe cycliste AG2R, membre du comité médical du Cpld, «les bilans biologiques dressés par ces plateaux techniques sont différents des tests physiologiques d’entraînement, qui restent l’apanage des médecins d’équipe, sans qu’il y ait interférence à ce stade entre soins et expertise. En revanche, une clarification reste sans doute à apporter au sujet du rôle du médecin du travail. Dans le cas du sportif de haut niveau, la visite d’aptitude, maintenant tous les deux ans, est une obligation légale qui s’impose comme à n’importe quel salarié. Mais la médecine du sport reste très spécifique et nécessite un rapprochement entre médecin du travail et plateau technique pour disposer de tous les éléments utiles du dossier médical».
Pour le Pr Pierre Rochcongar (Chru de Rennes), la recommandation du conseil n’en constitue pas moins «un énorme progrès pour les médecins d’équipe. Ceux-ci voient officiellement reconnu leur vocation et leur rôle de médecins en charge des soins, ce qui ne leur interdit pas d’établir des certificats de non-contre-indication. En revanche, se félicite le président de l’Association des médecins de clubs professionnels de football, ce nouveau texte protégera les médecins d’équipe lorsque les dirigeants tentent d’exercer sur eux une pression pour leur faire endosser des rôles qui ne sauraient être les leurs. Désormais, ils disposent d’un argument pour ne pas se laisser entraîner en dehors de leurs bonnes pratiques».
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