En Ethiopie, un troisième profil d'adaptation à la vie en altitude

Publié le 02/12/2002
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Les Ethiopiens de la région d'Ambaras montrent un taux d'hémoglobine et une saturation en oxygène semblables à ceux observés chez des individus vivant au niveau de la mer, bien qu'ils soient nés et résident à près de 4 000 mètres d'altitude. Ce mode d'adaptation à la vie en haute altitude diffère de celui qui avait précédemment mis en évidence dans les populations tibétaines et andines.

Beal (Case Western Reserve University, Cleveland) et coll. ont étudié 236 individus qui sont nés et résident dans le parc national des montagnes Siemien, sont âgés de 14 à 86 ans et ne montrent pas de carence en fer, de maladie de l'hémoglobine ou d'inflammation chronique. Dans cette population, la concentration sanguine moyenne en hémoglobine est de 15,9 g/dl chez les hommes et 15 g/dl chez les femmes, c'est-à-dire tout à fait comparable à celle qui est observée dans les populations vivant à une faible altitude. De plus, la saturation en oxygène de l'hémoglobine mesurée chez les montagnards éthiopiens n'est pas non plus significativement différente de celle qui est observée chez les personnes vivant au niveau de la mer puisqu'elle est en moyenne de 95,3 %. Par conséquent, l'organisme des Ethiopiens de la région d'Ambaras a développé un mécanisme qui permet une adaptation à la baisse de la concentration ambiante en oxygène causée par l'altitude. Ce mécanisme n'implique ni une polyglobulie ni une hypoxie artérielle. Il reste pour l'instant inconnu.

Une forte conductance des gaz entre poumon et sang

Cependant, l'existence d'une forte conductance des gaz entre le poumon et le sang est suggérée par les données recueillies.
Les auteurs proposent deux hypothèses, non exclusives l'une de l'autre, susceptibles d'expliquer l'augmentation de la conductance. Selon la première hypothèse il existerait une plus forte diffusion entre l'alvéole et le sang pulmonaire chez ces individus que dans les autres populations. Selon la seconde hypothèse, l'hémoglobine des montagnards éthiopiens posséderait une très forte affinité pour l'oxygène. Cette seconde hypothèse s'appuie sur l'idée d'une mutation du gène de l'hémoglobine. Mais elle a été exclue grâce à l'analyse par électrophorèse de l'hémoglobine des Ethiopiens étudiés.
Les résultats obtenus au cours de ces travaux indiquent que les habitants des montagnes éthiopiennes répondent à l'hypoxie hypobare d'une manière différente de celle que l'on relève chez les montagnards tibétains et andins. Les Ethiopiens et les Tibétains ne montrent pas de polyglobulie. Cependant, ces deux populations diffèrent en ce qui concerne leur saturation en oxygène, qui est très faible chez les Tibétains. Quant aux Andins, ils présentent à la fois une augmentation de la concentration en hémoglobine et une faible saturation en oxygène.
Il existe par conséquent au moins trois profils d'adaptation à la vie en altitude chez les populations indigènes. Les mécanismes biologiques et les mécanismes génétiques sous-jacents sont encore à découvrir. Comme le font remarquer les auteurs de l'étude, il serait intéressant de découvrir « les procédés de l'évolution qui ont produit ces profils afin d'expliquer comment et pourquoi plusieurs adaptations humaines réussies à la haute altitude ont pu émerger ».

C. M. Beal et coll., « Proceedings of the National Academy of Sciences », édition avancée on line, www.pnas.org/cgi/doi/10.1073/pnas.252649199.

Elodie BIET

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7231