PLUSIEURS PAGES se tournent en avril pour les réformes en préparation dans le champ sanitaire. En attendant qu'ils aboutissent à l'automne via le projet de loi de modernisation de la santé, via le prochain PLFSS (le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009), ou bien un peu plus tard via la future loi sur le financement de l'assurance-maladie – que Roselyne Bachelot a programmée pour le premier semestre de 2009 –, tous les chantiers ouverts par le gouvernement Fillon vont prendre ce mois-ci un tournant déterminant.
Quatre échéances principales en ce début de printemps : mandaté par le président de la République, Gérard Larcher apporte vendredi sa pierre à la réforme de l'hôpital public. Rumeurs et contre-rumeurs vont bon train ces derniers temps sur le contenu de ce très attendu rapport Larcher. Révolutionnera ou révolutionnera pas le paysage hospitalier, renverra ou pas les statuts des établissements et des personnes qui y travaillent... ? Réponse dans trois jours. Restera ensuite à savoir comment ces propositions qui, si elles s'avèrent offensives et/ou iconoclastes, rencontreront une levée de bouclier, seront transcrites dans la loi.
Les états généraux de l'organisation de soins (EGOS) seront les seconds à entrer en scène : ouverts l'automne dernier, en réponse à la grève des internes sur la liberté d'installation, centrés sur la question des soins primaires, ils s'achèvent mercredi en huit, le 9 avril. La lutte contre les inégalités d'accès aux soins et le dossier des futures agences régionales de santé (ARS) seront, quant à eux, sur le devant de la scène dans une quinzaine de jours : André Flajolet remettra sur ces sujets son rapport à Roselyne Bachelot. Enfin, le dossier médical personnel (DMP) pourrait sortir de sa torpeur avec la publication, sans doute la semaine prochaine, des travaux de la task force.
« Le Quotidien » récapitule ces rendez-vous d'avril.
La mission Larcher ouvre le feu.
Emmenés par le sénateur (UMP) des Yvelines, les 26 experts qui, à la demande de Nicolas Sarkozy, planchent depuis octobre sur les missions de l'hôpital public, rendent leur copie vendredi. En ouvrant le bal des remises de rapports, ces « sages » pourraient bien mettre le feu aux poudres. Car les informations qui ont filtré ces dernières semaines, quant aux intentions de Gérard Larcher, décoiffent.
Nouvelles règles assouplies de gestion comptable et financière pour les hôpitaux, évolution statutaire possible pour les personnels et les médecins qui le souhaitent (les usages de la fonction publique et ceux du droit privé cohabitant de ce fait dans les établissements), nouvelles règles de concession du service public hospitalier aux cliniques privées, garde-fous pour l'offre de soins là où des groupes de cliniques sont en situation de monople... Presque toutes les pistes explorées par l'ancien président de la Fédération hospitalière de France (FHF, que Gérard Larcher a piloté entre 1997 et 2004) sont explosives. Jusqu'à vendredi, tout le monde est en embuscade, et chacun – médecins, directeurs, personnels – retient son souffle. Pour diverses raisons. Il y a ceux qui espèrent voir enfin aboutir des projets qu'ils portent depuis des lustres – la FHF, par exemple, se rêve ointe « fédération patronale » de l'hôpital public – ; et il y a ceux qui redoutent de trouver transcrits noir sur blanc leurs pires cauchemars – les syndicats de PH sont ainsi violemment contre la piste du recrutement de médecins en CDD (« le Quotidien » du 12 mars).
Une mesure, en tout cas, paraît acquise : le regroupement des hôpitaux d'un même territoire, afin de mutualiser les moyens humains et techniques (l'idée étant de faire naviguer les médecins d'un site à l'autre, au gré des besoins et des fermetures d'activité). Pour le reste, Roselyne Bachelot a donné le ton il y a dix jours à Bordeaux : «L'hôpital, a-t-elle dit, ne doit pas avoir peur des réformes.»
Etats généraux de l'organisation de la santé (EGOS): la révolution pour les soins primaires?
Jamais, affirme Roselyne Bachelot, un débat «aussi large» sur le système de santé ne s'est tenu en France. La ministre de la Santé a sans doute raison. Depuis quatre mois déjà, l'ensemble des acteurs de la santé (professionnels libéraux et hospitaliers, administrations, élus locaux et nationaux, usagers, associations...) ont été conviés à un « brainstorming » intensif, dans le cadre de ces fameux états généraux de l'organisation de la santé (EGOS). Objectif : faire émerger des solutions «concrètes et concertées» pour renforcer l'offre de soins de premier recours, garantir une égalité d'accès aux soins sur le territoire et améliorer la répartition des professionnels de santé (près de 2,6 millions de personnes ont de sérieuses difficultés pour trouver un médecin, situation qui s'aggrave et provoque des spasmes réguliers autour de la liberté d'installation dont le mouvement des internes en octobre 2007). Ce long travail préparatoire qui a nécessité des dizaines de réunions sous la houlette d'Annie Podeur (DHOS) et d'Yvon Berland (Observatoire national de la démographie des professions de santé) touche à sa fin. La restitution des travaux des EGOS est programmée le 9 avril.
Que sait-on ? Le 8 février dernier, une première synthèse nationale uniquement centrée sur l'offre médicale de premier recours a permis de déblayer le terrain avec un premier « kit » de mesures proposé au gouvernement.
La ministre de la Santé a notamment repris à son compte : l'adaptation de la formation initiale en médecine générale (davantage de stages, une sensibilisation plus précoce des étudiants au métier) ; l'inscription dans le code de la santé publique des missions du médecin généraliste (désormais «de premier recours»...) ; la promotion de l'exercice en groupe ; l'aide à la création de 100 maisons de santé pluridisciplinaires (à raison de 50 000 euros par projet) ; ou encore la création d'un guichet unique régional d'information et d'aide à l'installation des professionnels qui sera placé auprès des futures ARS.
Dans les zones défavorisées, des «outils incitatifs forts» devraient être retenus : contrats d'engagement entre les carabins et les collectivités, contrats territoriaux d'installation incluant des aides financières, soutien matériel, logistique...A ce stade, la ministre dit vouloir préserver la liberté d'installation mais elle n'exclut pas des mesures de régulation «de manière ciblée, dans des cas très spécifiques», dans les zones très surdotées.
La deuxième phase des EGOS, toujours en cours, concerne les autres professionnels de santé et quatre spécialités (ophtalmologie, gynécologie, pédiatrie, psychiatrie).
Elle traite en priorité de l'articulation généralistes/spécialistes, du partage des tâches et du rôle de chaque profession dans l'organisation des soins.
Le suspense se termine.
Le rapport Flajolet corrige les inégalités d'accès aux soins.Attendu vers la mi-avril, le rapport définitif d'André Flajolet doit éclairer Roselyne Bachelot et le Premier ministre sur les causes des inégalités d'accès aux soins en France. Cette mission avait été confiée en octobre au député UMP du Pas-de-Calais par la ministre de la Santé.
A l'occasion de la remise de son prérapport fin février, André Flajolet avait dévoilé dans nos colonnes la trame de ses propositions (« le Quotidien » du 28 février). Le rapport final du parlementaire devrait préconiser la création de «communautés de santé». Ces structures, comprenant «du paramédical, de l'administration, du suivi, de l'HAD [hospitalisation à domicile] , des soins de fin de vie et des spécialistes», seraient «en liaison avec les élus locaux, et les territoires pertinents de proximité». Selon le député du Pas-de-Calais, les collectivités locales pourraient être impliquées dans ces communautés de santé, «tant dans le domaine de la prévention primaire que secondaire ou tertiaire». Dans un contexte de réforme des agences régionales de santé (ARS), il a également souligné la nécessité d' «une politique de santé nationale, qui définisse quelques éléments fondamentaux et structurants d'un droit d'accès égal aux soins et à la prévention». Enfin, le rapport Flajolet devrait plaider en faveur d' «organisations territoriales», à l'intérieur des ARS, «en accord avec les conseils régionaux» afin de tenir compte des spécificités régionales.
La mission Gagneux relance le DMP.Sur quelles bases relancer le projet du dossier médical personnel (DMP) ? La question reste en suspens avant la publication – peut-être la semaine prochaine – des propositions de la « task force » nommée en décembre par Roselyne Bachelot. Cette équipe resserrée d'experts a été placée sous la houlette de Michel Gagneux, membre de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et coauteur du rapport d'audit qui a sévèrement critiqué le pilotage du projet de 2004 à 2007. La mission Gagneux (1) a été chargée de formuler des recommandations notamment sur le cadre stratégique du DMP, l'amélioration de sa gouvernance et l'organisation de la concertation.
Lors d'une conférence du Medec, Michel Gagneux a déjà énoncé les «principes d'action» retenus par la task force (« le Quotidien » du 21 mars). Des «phases-pilotes» doivent permettre de fonder le DMP «sur l'usage concret, au quotidien, par les différents utilisateurs». Ces usages détermineront ensuite dans un deuxième temps le type d'architecture choisi et les normes sur le plan technologique. En tout état de cause, rien ne sera gravé dans le marbre. «Il faut bâtir un projet qui soit évolutif sur le plan des usages et sur le plan technologique», a martelé l'inspecteur de l'IGAS au Medec. Quant à la phase de concertation promise par la ministre de la Santé, la mission Gagneux préférerait qu'elle soit décentralisée et proche du terrain. Une proposition assez éloignée du séminaire de deux jours annoncé par Roselyne Bachelot...
A l'occasion d'une rencontre avec l'AJIS (Association des journalistes de l'information sociale), la ministre de la Santé a prévenu le 25 mars qu'elle «analysera (les recommandations du rapport Gagneux) et prendra des avis». Roselyne Bachelot envisage de consulter en particulier des «parlementaires chargés de ces sujets», citant nommément les députés Jean-Pierre Door (UMP) et Jean-Marie Le Guen (PS), qui ont participé à la rédaction du rapport de la mission d'information DMP de l'Assemblée nationale. Enfin, la ministre n'a pas caché sa préférence pour des expérimentations du DMP ciblées sur certains publics (malades chroniques par exemple), par rapport à des expérimentations purement locales.
(1) Outre Michel Gagneux, la task force inclut Jacques Sauret (directeur du Groupement d'intérêt public du DMP), André Loth (chef de la Mission ministérielle pour l'informatisation des systèmes de santé ou MISS), deux responsables de la Caisse nationale d'assurance-maladie, un médecin et deux consultants.
Dépendance et santé au travail sont également à l'ordre du jour
Le mois d'avril sera aussi l'occasion de replacer deux dossiers « au-dessus de la pile » sur le bureau de Xavier Bertrand, ministre du Travail et de la Solidarité : la prise en charge de la dépendance et la santé au travail.
Xavier Bertrand s'apprête à recevoir jeudi les partenaires sociaux afin de recueillir leurs propositions au sujet de la prise en charge de la dépendance, qui va devenir un cinquième risque de la protection sociale en 2009.
Par ailleurs, la santé au travail va encore revenir à l'ordre du jour au ministère du Travail. Après une première conférence tripartite (Etat-syndicats-patronat) sur les conditions de travail en octobre, une deuxième conférence similaire doit être organisée dans les prochaines semaines.
Après la publication du rapport Nasse-Légeron sur les risques psychosociaux au travail (« le Quotidien » des 13 et 14 mars), les partenaires sociaux se réuniront le 7 avril pour négocier sur la transposition en droit français des accords européens de lutte contre le stress, la violence au travail et le harcèlement. A la mi-avril, le Pr William Dab devrait remettre son rapport sur la formation des managers dans les grandes écoles aux conditions de travail et à la santé au travail.
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