Le Généraliste En Septembre dernier la société française du diabète a publié un livre blanc alertant sur la progression du diabète en France dont la prévalence a presque doublé en 10 ans. La situation est-elle si préoccupante ?
En France, la situation est certes moins critique que dans certains pays, mais le nombre de diabétiques progresse de façon régulière avec une prévalence du diabète de type 2 (DT2) qui atteint désormais près de 4,2 % de la population. Cette progression va de pair avec celle de l’obésité. Mais si l’augmentation de l’obésité tend un peu à marquer le pas ces dernières années, il n’en est rien pour le diabète.
Pourtant, les mesures de prévention (modification du mode de vie avec une alimentation plus équilibrée et exercice physique) sont connues et sont très efficaces sur le papier mais elles sont difficiles à mettre en œuvre.
Qu’en est-il de la chimioprévention ? Quelques études avaient suggéré qu’un traitement médicamenteux au stade de « pré-diabète » pourrait être bénéfique. 2011 a-t-elle confirmé cet espoir ?
Les études de prévention qui ont été faites chez des sujets intolérants au glucose n’ont pas retrouvé de bénéfice puisqu’elles montrent que chez ces patients, les modifications du mode de vie et notamment l’activité physique font mieux que la metformine. Il y aura d’ailleurs très prochainement la publication d’un référentiel de la SFD qui reviendra sur la place de l’activité physique en prévention et en « traitement » du DT2 .
En revanche, l’étude Addition conforte l’intérêt du dépistage et d’une prise en charge globale et précoce qui permet de diminuer un peu le risque cardiovasculaire des diabétiques.
Quels sont les autres grands essais qui ont marqué2011 ?
L’année 2011 a été relativement pauvre en grandes études de stratégie thérapeutique en diabétologie. En revanche, les analyses a posteriori des études Accord, Advance, etc… ont été très utiles, remettant finalement en cause le « lower is better » dans le diabète de type 2. Ainsi, si dans les dernières recommandations, notamment françaises, le niveau idéal d’HbA1c avait tendance à être fixé à 6,5 % pour la majorité des diabétiques, ces objectifs sont maintenant définis en fonction du profil du patient, de son âge, de l’ancienneté de son diabète ou de ses complications. Globalement, on sera d’autant plus exigeant, avec un objectif d’HbA1c situé entre 6,5 et 7 % que les sujets sont jeunes, ont un diabète récent et qu’ils ne présentent pas de complications. L’objectif d’HbA1c sera moins ambitieux (HbA1c entre 7 et 7,5 %) chez les sujets plus âgés qui ont un diabète ancien et déjà compliqué .
Autre enseignement récent de ces études et notamment d’Accord où une surmortalité a été notée dans le bras intensif : ce sont les sujets qui répondent le moins bien au traitement et chez lesquels les thérapeutiques ont été empilées qui sont le plus exposés à cette surmortalité sans qu’elle soit forcément imputable aux hypoglycémies. On sait maintenant que certains patients sont répondeurs aux traitements et que d’autres ne le sont pas. Ainsi, les recommandations anglaises du NICE conseillent, chez les diabétiques en cas d’échec thérapeutique avec une molécule, d’arrêter et de la remplacer par une autre classe thérapeutique plutôt que de rajouter un autre médicament au traitement précédent sans le modifier…. C’est une notion assez nouvelle.
On va donc vers un traitement de plus en plus personnalisé du diabétique de type2 ?
C’est en effet la tendance, à la fois en terme d’objectifs glycémiques mais aussi de moyens thérapeutiques. Même si la HAS aimerait être un peu plus normative et proposer un traitement plus standard. Cette démarche ne pose pas de problème au stade initial du diabète puisqu’actuellement tout le monde s’accorde pour préconiser les modifications du mode de vie dans un premier temps puis la metformine si cela ne suffit pas. La question devient plus difficile en cas d’échec de la metformine puisque plusieurs possibilités de bithérapie sont alors possibles. Avec soit l’association de sulfamides -ces médicaments sont robustes et pas très coûteux mais leur efficacité s’épuise avec le temps, favorisent la prise de poids et peuvent générer des hypoglycémies-, soit l’association metformine - inhibiteurs des DPP4 largement utilisés car cette classe médicamenteuse est efficace, ne donne pas d’hypoglycémies, ne nécessitent pas de titration, est neutre sur le plan pondéral et n’a pas d’effets secondaires notables. Mais leur coût et le manque de recul notamment sur le risque cardiovasculaire sont des points négatifs. Soit l’utilisation d’un agoniste du GLP 1 comme le liraglutide qui peut être utilisé en échec de monothérapie mais est cher et doit être administré par voie injectable. Les analogues du GLP1 sont donc peu utilisés à ce stade sauf chez le diabétique très obèse pour lequel une perte de poids est recherchée. Soit enfin l’adjonction d’insuline que certains proposent d’initier dès ce stade d’échec à la metformine. Cette stratégie est en cours d’évaluation dans l’étude Origine qui cherche à déterminer si une insulinothérapie assez précoce permet de stabiliser le diabète de façon durable et de protéger les cellules bêta qui produisent l’insuline dans les îlots.
Globalement, le choix se fera en fonction de l’âge, du poids du patient etc… Mais clairement en caricaturant, on ne traitera pas de la même façon un diabétique de type 2 obèse de 40 ans et un diabétique de type 2 dément qui en a 85 ….
Sur le plan thérapeutique, 2011 a aussi été marquée par le retrait de la pioglitazone cet été…
Oui, mais cet arrêt ne concerne que la France et la pioglitazone continue à être commercialisée partout ailleurs. Le sur-risque de cancer de la vessie invoqué pour justifier cette décision apparaît comme faible. Le plus gros inconvénient de la pioglitazone résidait à mon sens sur la prise de poids. Toutefois, certains malades répondaient très bien à cette molécule et il apparaît un peu dommage de s’être privé d’une arme thérapeutique.
La pioglitazone a beaucoup souffert du syndrome du Médiator. Plus généralement cette affaire a fait beaucoup de mal à la diabétologie mais surtout aux diabétiques en instaurant une méfiance des malades et une frilosité des autorités de santé même si son retrait du marché était naturellement indispensable…
Des données intéressantes ont été présentées dernièrement concernant de nouveaux antidiabétiques et notamment les inhibiteurs de la SGLT2 . Que peut-on en attendre ?
Il y a effectivement plusieurs inhibiteurs de la SGLT2 en cours de développement. Le plus avancé est la dapaglifozine qui devrait être sur le marché fin 2012. Cette classe médicamenteuse s’appuie sur un mécanisme original, puisqu’elle empêche la réabsorption du glucose au niveau rénal. Ainsi, la glycémie et notamment les glycémies post-prandiales diminuent grâce à une augmentation de la glycosurie. Ces molécules permettent d’obtenir une baisse de l’HbA1c de l’ordre de 0,6 à 0,7 % (soit à peu près autant que les inhibiteurs de DPP4) avec une perte de poids et peu d’effets secondaires en dehors de mycoses génitales. Globalement ce sont donc des médicaments qui pourraient trouver leur place soit en association avec d’autres molécules soit en début de diabète.
On attend aussi pour bientôt des formes retards d’analogues du GLP1 et notamment une forme hebdomadaire d’exénatide. Dans le courant de l’année prochaine un nouvel inhibiteur des DPP-4, la linagliptine, devrait aussi être mis sur le marché. Sa principale originalité tient à son élimination extra-rénale prédominante, ce qui permet son utilisation sans modification de posologie en cas d’insuffisance rénale modérée. Un nouvel analogue, l’insuline dégludec, devrait également être mis à disposition. C’est un analogue lent avec une action beaucoup plus longue et plus stable que les insulines existantes ce qui, à efficacité équivalente, pourrait permettre de diminuer les hypoglycémies.
La chirurgie bariatrique pourrait aussi être une piste intéressante pour certains diabétiques obèses ?
L’Intérêt de la chirurgie bariatrique chez le diabétique présentant une obésité morbide a en effet été démontré dans plusieurs études avec une amélioration nette de l’équilibre glycémique du fait de la perte de poids mais aussi d’une augmentation de la sécrétion du GLP-1. Certains travaux suggèrent aussi sont intérêt chez des sujets un peu moins obèses.
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