DE NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE
EN 2005, les patients anglais pourront réserver en ligne au cabinet de leur généraliste une consultation avec un spécialiste à l'hôpital. Ce nouveau service « Choose and Book » devrait mettre fin à l'une des plaies du service de santé britannique : l'accès au spécialiste à une date imposée par l'hôpital et avec des délais d'attente très long. Les premiers rendez-vous électroniques ont été testés cet été. Ce service est l'un des fers de lance du National Programme for Information Technology (NPfIT) orchestré par le NHS, l'équivalent outre-Manche de notre Sécurité sociale. Le programme, d'un montant de 9,2 milliards d'euros sur dix ans, est ambitieux. Il ne s'agit rien de moins que d'une mise en réseau de tout le système de santé qui permettra de gérer annuellement 300 millions de consultations chez les généralistes et 5 millions d'admission à l'hôpital.
L'échéance de 2010.
« Chaque patient aura son dossier électronique en 2010 », a promis le secrétaire d'Etat à la Santé en décembre 2003. A terme, quelque 850 000 professionnels, dont les 30 000 généralistes et les 270 centres de santé du NHS, auront accès au réseau. « Seul le système utilisé par le département américain de la Défense peut se vanter d'avoir davantage d'utilisateurs », souligne un commentateur.
Le département de la Santé s'est laissé convaincre à la suite de la publication en 2002 du rapport Wanless. Analysant les tendances du système de santé dans les vingt prochaines années, le document prévoyait que, sans un important effort d'informatisation et de communication, les services de santé allaient avoir de plus en plus de mal à délivrer des soins de qualité.
Pour le moment, les appels d'offre, tous attribués (voir encadré), ont été menés rondement, les premiers tests démarrant dix-huit mois après la publication du cahier des charges. Mais comme le soulignait un éditorial du « British Medical Journal »* du 15 mai dernier, « gagner les cœurs et les mentalités, tant des professionnels de santé que du public, sera plus difficile », d'autant que l'implantation du système va modifier la façon dont les gens travaillent et dont les soins sont dispensés.
Pas d'états d'âme.
A priori, les généralistes anglais, les GP (General Practitioner) n'ont pas les états d'âme de leurs confrères français par rapport à l'informatisation de leur cabinet, intégrée qu'elle est depuis longtemps dans leur pratique quotidienne. En Angleterre, le GP est le gardien du dossier patient, y compris de ce qui s'est fait à l'hôpital qui lui envoie par courrier quantité d'informations codées. Les documents envoyés à l'hôpital (résumés de dossiers, etc), qui va prendre en charge son patient, sont déjà normalisés.
En outre, les praticiens font eux-mêmes leurs demandes budgétaires prévisionnelles auprès du NHS en début d'année. On imagine que toutes ces tâches en grande partie administratives se trouvent allégées par l'automatisation. Résultat : sur 10 600 cabinets, seuls 200 ne sont pas encore informatisés.
De fait, dans un premier sondage, 61 % des GP se sont montrés favorables au dossier électronique, le Care Record Service du NHS (CRS) qui est au cœur du système. C'est l'application qui supporte les services de réservations et de prescription électroniques en répertoriant les données de chacun des patient reliées aux dossiers individuels détenus par les médecins. Un accès patient « my health space » est également prévu.
Pendant du « Public Advisory Board » pour le public, le « National Clinical Advisory Board » était censé représenter les professionnels de santé dans l'organisation du programme, mais la démission de son président, six mois seulement après sa nomination, n'a pas fait bon effet. En juin, les généralistes présents à la conférence de la British Medical Association ont fait état de leurs craintes face à un « mammouth dont les défenses allaient ravager la relation médecin-patient ».
La BMA est allée jusqu'à signer une motion de défiance vis-à-vis du dossier de soins électronique en attendant que les règles d'accès et les garanties de confidentialité soient précisées.
Les pouvoirs publics n'ont pas tardé à réagir. Dès juillet, ils ont ouvert un site Web pour détailler le programme (www.npfit.nhs.uk) et mis en place un « Care Record Development Board » chargé de représenter les points de vue, tant des professionnels de santé que des patients sur le dossier électronique. Sa conférence inaugurale se tient le 25 novembre à Londres. Elle est ouverte à tous.
* Volume 328, ce numéro comporte un dossier sur les outils electroniques et l'amélioration des soins.
Un appel d'offres en trois temps
L'appel d'offres du NHS (180 pages pour les conditions générales et plus de 1 000 pages pour les spécifications) a été découpé en trois appels d'offres nationaux (Choose and Book pour le service de réservation ; le N3, New National Network, réseau à haut débit) ; le système central de données patients, le National Data Spine) et en cinq zones géographiques sur l'ensemble de l'Angleterre.
Ces cinq territoires ont été confiés à cinq LSP (local service provider) chargés d'organiser le déploiement du système en liaison avec les consortiums ayant remporté les contrats industriels. A eux d'organiser l'hébergement des données, l'adaptation des systèmes informatiques des hôpitaux et des praticiens, de mettre en place les supports, etc.
British Telecom s'occupe du N3 et du National Data Spine tandis que Schlumberger (devenu Atos) doit mettre en place le service de réservation. Coté LSP, BT est leader pour Londres, Accenture coiffe le Nord-Est et les Est-Midlands, CSC le Nord-Ouest et les Ouest-Midlands et Fujitsu le Sud qui est la région la plus peuplée.
A noter, le GP conserve le choix de son logiciel. Mais encore faut-il que celui-ci puisse s'adapter. Le marché anglais est concentré avec quatre acteurs principaux : Emis (5 000 cabinets), InPS, (filiale britannique de Cegedim qui équipe 2 000 cabinets), Torex (1 500 cabinets) et GPass (1 000 cabinets). Emis a annoncé qu'il ne signerait aucun contrat avec des LSP alors qu'InPS a négocié avec BT, CSC et Fujitsu. InPS s'estime bien placé parce que son logiciel Vision* intègre déjà le « Quality and Outcome Framework » dans le cadre du nouveau contrat GP-NHS liant l'allocation des ressources à l'amélioration de la qualité des soins. >>>>* Quand le diagnostic est posé, un mémo rappelle au médecin tout ce qui est recommandé par le protocole et souligne ce qu'il a oublié en le comparant avec le dossier patient.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature