LE SERPENT DE MER de la classification commune des actes médicaux (Ccam) technique, dont la mise en place a déjà été reportée deux fois cette année, pourrait sortir la tête de l'eau au début de l'année 2005.
Depuis la mi-septembre, les négociations sur la tarification de la Ccam technique se sont complètement embourbées en attendant l'installation de l'Union nationale des caisses d'assurance-maladie, mais aussi et surtout en raison de simulations grossières et partielles (sur 75 % des actes techniques), qui rendent l'impact de cette nouvelle grille tarifaire très hasardeux pour les médecins spécialistes libéraux.
Le nouveau directeur général de la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam), Frédéric van Roekeghem, a annoncé qu'il souhaitait « quantifier l'impact individuel (de la Ccam) sur les différents profils médicaux (...) jusqu'à la fin de l'année » afin d' « éviter les mauvaises surprises » (« le Quotidien » du 20 octobre).
Changement de cap.
Une semaine plus tard, dans un entretien avec « le Monde », Xavier Bertrand évoquait l' « hypothèse » d'un codage des actes en Ccam « dans les meilleurs délais » avec un changement de tarifs seulement partiel. « Les spécialités gagnantes se verraient immédiatement appliquer les nouveaux tarifs, a expliqué le secrétaire d'Etat à l'Assurance-maladie. On prendrait plus de temps pour examiner le problème posé par les spécialités ou les activités perdantes. »
Cette « hypothèse » implique un changement de cap à 180 degrés, puisque les syndicats médicaux et la Cnam envisageaient jusqu'à présent une application rapide de la Ccam tarifante, avec un système de compensation dégressif pour les spécialités perdantes et « actes phares » dévalorisés, durant une phase transitoire de trois ou cinq ans.
Ce revirement n'est sans doute pas étranger au mécontentement croissant des spécialistes libéraux, dont certains menacent de cesser une partie de leur activité (péridurales pour les anesthésistes, cataractes pour les ophtalmologistes), voire de s'exiler à Barcelone à l'appel de la Conférence nationale des associations de médecins libéraux (Cnamlib, issue des coordinations de spécialistes).
Quoi qu'il en soit, la Cnam « poursuit sa réflexion », selon un bon connaisseur du dossier, avant de décider qui et quoi pourraient passer à la Ccam tarifante au 1er janvier 2005.
L'Umespe, la branche spécialiste de la Confédération des syndicats médicaux français (Csmf), « se félicite » pour sa part d'une « mise en place de la Ccam sans effets négatifs pour les médecins spécialistes ». L'idée d'une tarification à deux vitesses (Ccam et Ngap, nomenclature en vigueur depuis trente ans) irrite au contraire plusieurs leaders syndicaux dans les spécialités réputées gagnantes, bien que certains de leurs actes très fréquents subissent une baisse de tarif dans la Ccam (péridurale en anesthésie, césarienne et accouchement multipare pour la gynécologie-obstétrique, et cataracte pour l'ophtalmologie).
Au Snarf, le syndicat des anesthésistes-réanimateurs, le Dr Michel Lévy « veut que la Ccam soit totalement tarifante, sinon on va se taper la codification et continuer à ramer au tarif Ngap ! ». « Le codage, résume-t-il, sera tarifant ou ne sera pas fait. »
Du côté du Snof (ophtalmologistes), le Dr Jean-Luc Seegmuller s'attend à « un désordre incroyable (car) la Ccam n'est pas un rayon de supermarché où l'on choisirait les articles en fonction de leur prix ». Enfin, le Syngof (syndicat des gynécologues et obstétriciens) préconise d'attendre encore « une visite de fin de chantier et de réception des travaux », parce qu' « après huit ans de construction, six mois de contrôles et d'ajustements sont indispensables avant la mise en service » de la Ccam. Pronostiquant une « diminution de 15 % des honoraires des accoucheurs », le Syngof propose de « mettre en place la codification des actes à compter du 1er janvier 2005, mais de garder la tarification actuelle pendant le temps de validation nécessaire : quatre à six mois de simulation à livres ouverts en partenariat avec l'assurance-maladie (...) sont nécessaires ». Philippe Cuq, porte-parole des « Chirurgiens de France » et tout nouveau président de l'Union des chirurgiens français (UCF), trouve aussi qu' « un double codage pendant six mois ou un an (est) la solution la plus sensée » avant de « faire le point ».
Le codage Ccam permettra, contrairement à la nomenclature actuelle (Ngap), d'y voir plus clair sur la ventilation de l'activité des praticiens en fonction des différents types d'actes. En théorie, il doit impérativement commencer le 1er décembre pour accompagner le basculement des cliniques privées à la tarification à l'activité (T2A). A moins d'un nouveau report de la T2A pour cause de cafouillage technique...
En tout cas, les péripéties de la Ccam technique risquent de finir - ironie du sort - par convaincre les spécialistes de se résigner au codage de leurs actes, au 1er décembre ou au début de 2005, pour le même prix, dans un premier temps.
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