La consommation de tabac représente le facteur de risque principal du développement d'un emphysème pulmonaire. Mais cette pathologie, qui se caractérise par une simplification de l'architecture alvéolaire, une perte de l'élasticité pulmonaire et une distension des alvéoles, ne survient pas de façon systématique chez tous les gros fumeurs. Des études génétiques ont soulevé l'hypothèse de facteurs génétiques de susceptibilité individuelle. Mais, jusqu'à présent, le seul de ces facteurs formellement identifiés, l'alpha 1 antitrypsine, ne concerne qu'un nombre très limité de sujets.
L'analyse de lavages broncho-alvéolaires de sujets atteints d'emphysème pulmonaire a permis de mettre en avant le rôle de certaines protéases extracellulaires - dont le rôle est de réguler l'homéostasie de la matrice - dans le genèse de l'emphysème en rapport avec le tabac. En 1999, l'équipe du Dr David Morris (Boston) a montré que l'intégrine alpha-v-bêta-6 exprimée exclusivement au niveau épithélial joue un rôle clé dans l'activation du TGF bêta latent. Cette molécule fait partie d'une famille de protéines hétérodimériques de surface cellulaire, les intégrines, qui est impliquée dans la régulation de la croissance, de la migration et de la survie cellulaire.
La métalloprotéine Mmp12
La souris qui n'exprime pas le gène de la sous-unité bêta-6 de l'alpha-v-bêta-6 intégrine (Itgb6-) développe spontanément une expression majorée de la métalloprotéine Mmp12 - spécialisée dans la dégradation de l'élastine - au niveau des macrophages extracellulaires pulmonaires, dès l'âge de 8 semaines. Les souris knock-out pour la Mmp12 ne développent pas d'emphysème pulmonaire, signe que cette protéine joue un rôle clé dans la maladie.
Afin de voir si l'absence d'alpha-v-bêta-6 intégrine peut conduire à l'apparition d'un emphysème, les chercheurs ont comparé la taille des alvéoles pulmonaires de souris Itgb6- et de souris contrôles à l'âge de 2, 6 et 14 mois. « Nous avons déterminé que ces animaux Itgb6-, en dépit d'une taille alvéolaire normale à l'âge de 2 mois, développent spontanément un emphysème pulmonaire », expliquent les auteurs.
In vivo, on reconnaît deux fonctions distinctes à l'intégrine alpha-v-bêta-6, directement en rapport avec la sous-unité bêta-6 : stimulation de la prolifération épithéliale cellulaire - par le biais de la partie carboxy 11 terminale de la sous-unité - et activation du TGF bêta latent. L'emphysème pulmonaire des souris Itgb6- pourrait être lié à la perte d'une de ces deux fonctions.
C'est pour mieux cerner la fonction en cause que les auteurs ont étudié la taille des alvéoles, le niveau d'expression de la Mmp12 et la morphologie des macrophages alvéolaires chez trois types de souris Itgb6- : soit porteuses d'une expression transgénique de la sous-unité bêta-6 humaine complète, soit de sa partie C terminale, soit d'une forme complète de la sous-unité bêta-6 humaine rendue incapable de se lier à la surface des cellules épithéliales in vivo.
Ils ont pu montrer que le premier et le deuxième groupe de souris ne développaient pas d'emphysème et que leur induction de Mmp12 était réduite, alors que, dans le dernier groupe, il n'existait pas d'activation du TGF bêta et qu'un emphysème se développait de façon spontanée. Pour les auteurs, « ces résultats confirment que l'expression de la sous-unité bêta-6 de l'intégrine par les cellules épithéliales pulmonaires est suffisante pour prévenir le développement spontané d'un emphysème ».
« Nature », vol. 422, pp. 169-174, 13 mars 2003.
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