« Je ne regrette rien. Je suis en paix avec ma conscience et s'il fallait reprendre la même décision, je reprendrai la même décision », a affirmé sur France 2 le Dr Chaussoy. Une décision, arrêtée en étroite concertation avec l'équipe médicale et soignante du centre Héliomarin de Berck-sur-Mer : débrancher le respirateur artificiel qui maintenait en vie Vincent Humbert, après que sa mère lui avait administré, à sa demande, des barbituriques.
Un mois après, l'ouverture d'une information judiciaire pour « empoisonnement avec préméditation » crée une onde de choc dans le milieu médical. A commencer évidemment par le premier intéressé : « Je suis choqué, dit-il, par les termes que j'ai entendus : j'ai entendu parler de crime, d'empoisonnement, de cour d'assises, de réclusion criminelle à perpétuité et, bien sûr, je suis effondré. »
L'émotion est d'autant plus vive que, dès avant l'intervention de la justice, les instances ordinales avaient déjà mené l'enquête et décidé qu'il n'y avait pas lieu d'intenter de poursuites contre un confrère dont, affirme le président du Conseil national, le Dr Michel Ducloux, « le comportement a été conforme » à la déontologie médicale*.
La Société de réanimation de langue française (SRLF) et la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) s'étaient aussi associées pour « rendre hommage à la décision de l'équipe de réanimation qui, dans un contexte passionnel et de pression médiatique, a su arrêter les traitements de réanimation qui, passé la phase d'urgence, étaient devenus de l'acharnement thérapeutique ».
Les deux sociétés savantes s'appuyaient, ce faisant, sur les recommandations de la SRLF, selon lesquelles « la décision de limitation ou d'arrêt de thérapeutique active, sous réserve qu'elle soit prise et mise en oeuvre en respectant un certain nombre de règles, représente dans les situations devenues désespérées la seule alternative éthique à un acharnement thérapeutique contraire au code de déontologie médicale ». Cette décision, en effet, ne constitue « en rien une pratique d'euthanasie » mais vise à « restituer son caractère naturel à la mort » (« le Quotidien » du 9 juin 2002).
Parmi les réactions de soutien, il faut encore noter celle de la direction du groupe Hopale, dont fait partie le Centre Héliomarin, qui a « renouvelé sa confiance vis-à-vis de l'équipe médicale et paramédicale, et en particulier du Dr Chaussoy » ; celle de la commission médicale de l'établissement ; celle encore d'un député, Philippe Vuilque, membre de la commission des lois, qui, saluant « l'humanité et le courage » du médecin de Berck, crée un comité de soutien dans les Ardennes et invite les médecins, les professions médicales et les citoyens à se mobiliser et à le rejoindre**.
« Le Quotidien » a lui-même exprimé sa solidarité avec le Dr Chaussoy, pour un acte qui relève de l'humanisme***.
Refuser d'arrêter les soins ?
Dans cette vague de réactions, les réanimateurs ne cachent pas leur sentiment d'inquiétude. Le Pr François Lemaire (CHU Henri-Mondor, Créteil) rappelle que « 50 % des fins de vie à l'hôpital ont pour cadre les services de réanimation » et que « des gestes tels que celui du Dr Chaussoy, en lien avec les familles et les équipes, sont des pratiques quotidiennes. L'incrimination du parquet pourrait aboutir à un refus général d'arrêter les soins, avec les risques de panique que cela ne manquerait pas d'entraîner à travers le pays. »
A ce jour, une seule décision de justice a été rendue dans un cas similaire, rappelle le Pr Lemaire, qui s'était soldée par la condamnation, en 1995, pour « homicide involontaire », d'un réanimateur à 18 mois de prison au sursis (peine confirmée en appel et en cassation).
Dans son rapport sur la fin de vie (« le Quotidien » du 17 octobre), Marie de Hennezel avait proposé que l'article 37 du code de déontologie soit « plus explicite » et qu' « il recommande d'éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique », « toute décision de modification thérapeutique pouvant inférer sur la survie d'une personne (devant) être précédée d'une délibération et d'une évaluation multidisciplinaire ».
La psychologue clinicienne avait aussi préconisé que cette modification du code de déontologie soit « relayée auprès des juridictions par le biais d'instruction de politique pénale qui feraient connaître les recommandations de bonnes pratiques à travers les dépêches d'information ».
La question de l'information des juges est essentielle, concluait le rapport. Aujourd'hui, elle urge.
* « En toutes circonstances, le médecin doit s'efforcer de soulager les souffrances de son malade, l'assister moralement et éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique » (article 37 du code de déontologie médicale).
** Courriel : vuilque.philippe@wanadoo.fr, site depute-vuilque.org.
*** Editorial du 30 octobre.
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