« CES DEUX grandes études, considérées conjointement, décrivent une nouvelle souche de C. difficile et impliquent un rôle possible de l'usage des fluoroquinolones à l'origine de son émergence », notent, dans un éditorial, les Drs Bartlett et Perl, de l'université Johns Hopkins. Ils mettent l'accent sur un certain nombre de mesures pour améliorer la prévention, la reconnaissance des cas, et traiter la maladie de façon optimale.
Clostridium difficile est une bactérie commensale de l'intestin, qui colonise environ 3 % des adultes et entre 20 et 40 % des patients hospitalisés. Le principal facteur de risque d'infection est une antibiothérapie. En effet, le déséquilibre de la flore bactérienne intestinale dû à ce traitement favorise la conversion de C. difficile en une forme qui prolifère et produit des toxines (A et B).
C. difficile est devenu ces vingt dernières années la principale cause de diarrhée infectieuse acquise à l'hôpital ; la bactérie peut également causer une colite pseudomembraneuse, imposant la colectomie, dont l'issue peut être fatale.
Alors que les antibiotiques le plus souvent impliqués étaient, dans les années 1970, la clindamycine, et, dans les années 1980, les céphalosporines, les récentes flambées de cas suggèrent que les fluoroquinolones jouent un rôle important.
Une augmentation d'incidence.
Récemment, des rapports ont suggéré l'existence d'une augmentation d'incidence (de 26 % entre 2000 et 2001) et de sévérité des infections par C. difficile. Cela pourrait être expliqué par la mutation ou l'émergence d'une souche plus virulente et/ou plus résistante aux antibiotiques.
Afin de tester cette hypothèse, McDonald (CDC, Atlanta) et coll. ont analysé 187 isolats de C. difficile recueillis dans huit hôpitaux de six Etats américains qui ont connu une flambée d'infections entre 2001 et 2003. Ils ont comparé ces prélèvements à ceux d'une base de données de plus de 6 000 isolats recueillis avant 2001.
Ils ont découvert une souche commune (BI/NAP1) dans tous les hôpitaux (responsable de la moitié des cas), identifiée pour la première fois en 1984, mais rare avant 2001.
Les souches BI/NAP1 sont de toxinotype III, positives pour la toxine binaire CDT, et contiennent une délétion du gène tcdC (régulateur négatif de la production des toxines A et B). Cette souche pourrait donc être plus virulente, et une récente étude a suggéré qu'elle produit en effet 16 à 23 fois plus de toxines A et B in vitro que les autres souches.
De plus, toutes les souches BI/NAP1 actuelles, mais aucune des souches BI/NAP1 historiques, sont résistantes à deux types de fluoroquinolone (gatifloxacine et moxifloxacine), contre seulement 40 % des souches non BI/NAP1. Le taux de résistance à la clindamycine est le même pour les souches BI/NAP1 et non BI/NAP1 (80 %).
Dans une autre étude, Loo (université McGill, à Montréal) et coll. décrivent une analyse microbienne similaire, accompagnée de données épidémiologiques et cliniques importantes. Ils ont conduit en 2004 une étude prospective dans douze hôpitaux du Québec. Ils ont pu constater que l'incidence des diarrhées à C. difficile est de 22 pour mille admissions et que la mortalité est nettement élevée, puisqu'elle atteint 7 %. Chez les sujets âgés, l'incidence et la mortalité sont encore plus élevées.
L'analyse des isolats montre qu'une souche prédominante, trouvée dans 84 % des cas, est identique à celle identifiée par McDonald et coll., avec une toxine binaire et la délétion du gène tcdC. La majorité des souches sont résistantes aux fluoroquinolones. Une étude cas-témoins montre que les patients étaient quatre fois plus susceptibles d'avoir reçu des fluoroquinolones et/ou des céphalosporines que des témoins.
Plus grande surveillance dans les hôpitaux.
Face à « l'émergence d'une souche précédemment rare du C. difficile plus résistante et potentiellement plus virulente que les autres », McDonald et coll. préconisent une plus grande surveillance dans les hôpitaux, ainsi que des mesures strictes de prévention (isolement du patient, lavage des mains à l'eau et au savon plutôt qu'avec des désinfectants alcoolisés inefficaces sur les spores...). Particulièrement importante, pour les Drs Bartlett et Perl, est « la modération dans l'usage des antibiotiques impliqués épidémiologiquement - céphalosporines de 2e et de 3e génération, clindamycine et fluoroquinolones ».
« New England Journal of Medicine », 8 décembre 2005, pp. 2433, 2442, 2503, MMWR, 2 décembre 2005.
Des contaminations en ville
Un autre rapport du CDC publié dans « Morbidity and Mortality Weekly Report » (2 décembre 2005) suggère que la souche émergente pourrait commencer à circuler en dehors du milieu hospitalier.
« Nous ne sommes pas encore sûrs, mais on nous signale des cas de personnes infectées qui n'ont jamais été hospitalisées, ou qui ne l'ont pas été récemment, et même des cas de personnes qui n'ont pas reçu d'antibiotiques, que l'on considérait donc à faible risque, explique le Dr McDonald, épidémiologiste au CDC et coauteur de ce rapport. Nous nous efforçons également de sonner l'alarme sur ce problème. »
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